Page:Sima qian chavannes memoires historiques v1.djvu/123

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dévasté une civilisation nouvelle où le pouvoir n’appartenait pas aux plus nobles, mais aux plus sages. L’histoire cessa dès lors d’être uniquement les gestes des rois ; les hommes qui se distinguèrent par leurs talents apparurent comme les protagonistes sur la scène et c’est pourquoi Se-Ma T’sien ajoute aux Annales impériales les vies des personnages illustres.

Se-ma Ts’ien n’a pas subi l’influence de son temps en ce sens seulement que son esprit en a reçu une orientation déterminée ; bien plus, il lui a souvent emprunté la matière même de ses récits. En mainte occasion, il n’a fait que conserver les documents que lui fournissaient ses contemporains. Il est presque impossible aujourd’hui de distinguer entre les pages qu’il a écrites lui-même et celles qu’il a empruntées à quelque anonyme inconnu ; mais, pour qui est initié aux procédés mécaniques de superposition par lesquels se construit la littérature historique de la Chine, il est évident que l’originalité de Se-ma Ts’ien doit être réduite au minimum.

Si Se-ma Ts’ien est redevable au milieu dans lequel il vécut de plusieurs de ses chapitres ; il lui doit aussi. d’avoir pu connaître l’antiquité. La renaissance des lettres sous le règne des empereurs Wen et Ou permit pour la première fois de jeter un regard d’ensemble sur tout le passé du peuple chinois ; les textes exhumés révélèrent un monde oublié et, si Se-ma Ts’ien eut le mérite de coordonner ces textes dans un cadre historique, il faut reconnaître du moins que jamais l’occasion n’avait été si belle d’entreprendre une telle oeuvre prédestinée à l’immortalité. Quels étaient ces matériaux et comment Se-ma Ts’ien s’en servit, c’est la question que nous avons maintenant à examiner.