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CHAPITRE III


LES SOURCES


Se-ma Ts’ien, quoiqu’il ait parlé de son époque, n’en a point fait cependant le sujet principal de son oeuvre. Les parties qui traitent du règne de l’empereur Ou ne sont que le couronnement d’un édifice immense dont les fondements sont à l’origine même des temps et dont les assises successives représentent tous les siècles qui s’écoulèrent depuis le fabuleux Hoang-ti jusqu’au souverain régnant. Cette histoire est donc avant tout une histoire du passé ; il a fallu, pour la composer, réunir, critiquer et mettre en oeuvre les écrits propres à donner des renseignements sûr les âges disparus. Quels sont ces écrits, ou, en d’autres termes, quelles sont les sources de Se-ma Ts’ien ?

Cette question doit toujours être posée lorsqu’on étudie un historien d’une nationalité quelconque ; elle a plus d’importance que jamais quand il s’agit d’un auteur chinois. En Extrême-Orient en effet, l’idée qu’on a de la propriété littéraire n’est point celle que nous nous en faisons ; un texte historique y est toujours considéré comme appartenant au domaine public ; on regarde comme la plus stricte probité de le copier fidèlement sans y rien changer ; celui qui l’emploie n’est pas même tenu de mentionner le livre d’où il l’a extrait ; l’art avec lequel il dispose les fragments qu’il prend ici et là, l’autorise à les présenter comme son bien et à les signer de son nom. De son propre aveu Se-ma Ts’ien a procédé de la sorte : « Ce que j’appelle raconter les choses