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critiques chinois actuels, n’était point celui que nous présente le Chou king traditionnel.

Maintenant, c’est un fait remarquable que Se-ma Ts’ien n’ait puisé qu’en une seule occasion à la source abondante que le texte antique aurait dû lui ouvrir. Il est singulier en outre que l’oeuvre attribuée à K’ong Ngan-kouo ait disparu comme par enchantement entre le IIIe et le IVe siècles de notre ère. Nous sommes amenés ainsi à faire un pas de plus que les critiques chinois, et, après avoir contesté avec eux l’authenticité du texte qui a cours aujourd’hui sous le nom de Kong Ngan-kouo, nous mettons en doute la valeur de celui-là même qui dut apparaître à l’époque des premiers Han. A vrai dire, nous ne saurions en nier l’existence qui nous est attestée par le témoignage formel de Se-ma Ts’ien et par l’usage qu’il en fait en une occasion. Mais K’ong Ngan-kouo avait-il vraiment retrouvé seize chapitres nouveaux ou plutôt ne les avait-il pas reconstitués, comme d’autres le firent après lui, au moyen de centons plus ou moins habiles ? Nous adoptons cette dernière hypothèse qui nous paraît lever toutes les difficultés : en effet, Se-ma ts’ien aurait eu raison, dans ce cas, de ne pas attacher une grande valeur à ces textes et de n’en user qu’avec une extrême discrétion ; en outre, tandis que les chapitres dus à Fou Cheng résistaient victorieusement à l’épreuve du temps parce qu’ils étaient admis de tous comme authentiques, les chapitres de Kong Ngan-kouo cédèrent la place à d’autres restitutions faites avec un art égal ou plus grand par les savants qui le suivirent. Ne nous lamentons donc pas avec les érudits chinois sur la perte des livres de Kong Ngan-kouo ; leur disparition même et le peu d’emprunts que leur fait Se-ma Ts’ien sont la preuve qu’ils n’avaient pas une très grande importance.

Si Kong Ngan-kouo et d’autres après lui purent essayer de rétablir le texte de certains chapitres perdus du Chou king, ce serait faire injure à leur bonne foi que de croire qu’ils les forgèrent de toutes pièces. Ils se contentèrent de rassembler avec plus ou moins d’ingéniosité