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Il n’a pas de fausse honte et un propos grossier n’est pas pour l’effrayer ; un cavalier attaché à l’état-major de celui qui devait être un jour le premier empereur Han et qui n’était encore que le duc de P’ei, dit au sage Li I-k’i CLXIII-1 : « Le duc de P’ei n’aime pas les lettrés : tous les étrangers qui viennent coiffés du bonnet de lettré, le duc de P’ei leur enlève soudain leur bonnet et pisse dedans. Quand il parle aux gens, il les insulte toujours fort. Gardez-vous de vous dire un maître lettré. »

Les pièces officielles et les discours ou les entretiens occupent une grande place dans les Mémoires historiques ; nous ne croyons pas exagérer en disant qu’ils constituent le tiers environ du texte dans la partie qui concerne les Ts’in et les Han. Or ils sont, par leur nature même, des documents que Se-ma Ts’ien a dû trouver déjà rédigés et qu’il n’a point altérés. Ce nous est une preuve qu’il ne cesse pas de collationner des écrits aujourd’hui disparus.

A tout le moins, dira-t-on, ces documents sont reliés entre eux, amenés et commentés par un récit ; les narrations ne sont-elles pas l’oeuvre de Se-ma Ts’ien lui-même ou devons-nous en rechercher encore les sources ? Une réponse catégorique ne saurait être faite à cette question. Il est indéniable que Se-ma Ts’ien a dû écrire lui-même certaines pages de son oeuvre ; mais elles sont moins nombreuses peut-être qu’on ne pense, et, en maint endroit, il n’est aucunement original. A parler exactement, ce n’est pas son style qu’on remarque dans ses récits, c’est celui de l’époque des Han : ce style a ses qualités propres : il est simple, concis, clair et vigoureux ; en revanche il est singulièrement froid et impassible ; il raconte les atrocités les plus épouvantables du même ton qu’il expose une réforme fiscale ou un plan politique. En voici un exemple tiré du IXe chapitre des Mémoires historiques :

L’empereur Kao-tsou avait eu de sa première femme, l’impératrice Lu, un fils qui lui succéda et fut l’empereur


CLXIII-1. Mémoires historiques, chap. XCVII, p. 1 v°.