Page:Sima qian chavannes memoires historiques v1.djvu/198

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à la barbe et aux poils pendants descendit pour emmener Hoang-ti ; Hoang-ti monta dessus ; ses ministres et ses femmes montèrent à sa suite au nombre de soixante-dix personnes ; le dragon alors s’éleva ; certains officiers subalternes qui n’avaient pu monter sur lui se cramponnèrent à ses poils ; quelques-uns de ces poils se cassèrent et tombèrent ; il tomba aussi, l’arc de Hoang-ti. La foule suivait des yeux l’apothéose ; lorsque Hoang-ti fut monté au ciel, elle ramassa son arc et les poils du dragon en criant ; c’est pourquoi les générations suivantes nommèrent ce lieu « le lac du trépied » et l’arc fut appelé « le cri de lamentation » CLXXXIII-1.— Ce récit fit une si forte impression sur l’empereur Ou qu’il se sentit détaché soudain de toutes les affections terrestres et rêva de conquérir à son tour l’immortalité. Malgré le crédit qu’avait cette tradition auprès de beaucoup de ses contemporains, Se-ma Ts’ien n’en dit pas un mot quand il parle de Hoang-ti dans le premier chapitre de son histoire ; c’est donc qu’il n’y ajoutait pas foi. De même dans les Annales fondamentales de Ts’in Che-hoang-ti CLXXXIII-2, on voit que la légende de trois souverains très anciens, le souverain du ciel, le souverain de la terre et le souverain suprême, avait cours dès le IIIe siècle avant notre ère ; Se-ma Ts’ien cependant ne l’admet pas et laisse à son descendant éloigné, Se-ma Tcheng, le soin de faire précéder les Mémoires historiques de considérations fantastiques sur les souverains du Ciel, de la Terre et de l’Homme.

En de très rares occasions Se-ma Ts’ien expose les raisons qui l’engagent à rejeter un témoignage. A la fin du chapitre sur le royaume de Ta Yuan, il montre en ces termes que les résultats scientifiques acquis par l’ambassade de Tchang K’ien contredisent les légendes relatives au mystérieux massif montagneux appelé le


CLXXXIII-1. Mémoires historiques, chap. XXVIII, p. 69 de ma première traduction.

CLXXXIII-2. Id., chap. VI, p. 10 v°. — Voyez plus loin, p. 17 de la traduction, note 2.