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fixer les occupations qui conviennent à chaque mois. Si on ne tient pas compte de ses préceptes, on ne saurait réussir en rien, car il faut de nécessité obéir à l'ordre des lois physiques ; les violer, c'est courir à un échec certain. D'autre part, l'école du yn et du yang s'est égarée dans une infinité de calculs subtils pour établir une concordance minutieuse entre les phénomènes naturels et les moindres actions de la vie ; elle voit des présages dans les faits les plus insignifiants. L'homme qui l'écoute se croit entouré d'influences occultes et redoutables ; il n'ose plus faire le moindre geste de peur d'offenser des puissances invisibles. La superstition et tout le cortège de maux qu'elle entraine avec elle sont favorisés par cette école. Il faut avouer que pour un astrologue officiel, Se-ma T'an fait ici preuve d'un esprit bien libre. Il ne sera pas moins indépendant dans ses jugements sur les autres écoles.

Selon lui, les lettrés ont des connaissances étendues mais ils se perdent par une érudition minutieuse. Ils ont écrit des livres innombrables sur les rites et sur la littérature ; ils entassent commentaire sur commentaire. On perd un temps considérable à les étudier pour n'en tirer qu'un mince profit. Tout l'appareil de leur sèche scolastique fatigue celui qui y applique son intelligence sans le rendre meilleur. Toutefois les principes généraux qu'ils ont établis ont une grande valeur ; on ne saurait nier qu'ils n'aient mis en lumière des distinctions parfaitement légitimes entre le prince et le sujet, le père et le fils ; les rites qu'ils ont prescrits sont la vraie manière de respecter ces différences de condition.

Quand il parle de Mé-tse, Se-ma T'an ne se place pas sur le même terrain que Mencius. Mencius XVI-1 combattait chez ce philosophe la théorie de l'amour universel en montrant que l'homme aime par nature son père ou son enfant plus que le père ou que l'enfant d'un autre et qu'en portant à tous un amour égal on détruit en réalité les


XVI-1. Voyez Legge, Chinese Classics, t. II, p. 133-134.