Page:Sima qian chavannes memoires historiques v1.djvu/34

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Un principe unique règne au-dessus, du monde et se réalise dans le monde, lui étant à la fois transcendant et immanent ; il est en même temps ce qui n’a ni forme, ni son, ni couleur, ce qui existe avant toute chose, ce qui est innommable, et d’autre part, il est ce qui apparaît dans les êtres éphémères pour les disposer suivant un type et imprimer sur eux comme un reflet de la raison suprême. Nous apercevons ici et là dans la nature les éclairs lumineux par lesquels il se trahit au sage et nous concevons une vague idée de sa réalité majestueuse. Mais, parvenu à ces hauteurs, l’esprit adore et se tait, sentant bien que les mots des langues humaines sont incapables d’exprimer cette entité qui renferme l’univers et plus que l’univers en elle. Pour la symboliser du moins en quelque mesure, nous lui appliquerons un terme qui désignera, sinon son essence insondable, du moins la manière dont elle se manifeste ; nous l’appellerons la Voie, le Tao. La Voie, ce mot implique d’abord l’idée d’une puissance en marche, d’une action ; le principe dernier n’est pas un terme immuable dont la morte perfection satisferait tout au plus les besoins de la raison pure ; il est la vie de l’incessant devenir, à la fois relatif puisqu’il change et absolu puisqu’il est éternel. La Voie, ce mot implique encore l’idée d’une direction sûre, d’un processus dont toutes les étapes se succèdent suivant un ordre ; le devenir universel n’est pas une vaine agitation ; il est la réalisation d’une loi d’harmonie.

Sur cette métaphysique on peut fonder une morale. L’homme, dit Se-ma T’an, se compose d’une âme et d’un corps ; l’âme est ce qui le fait vivre ; le corps est le substratum de l’âme ; la mort est la séparation de l’un et de l’autre ; or ce qui est ainsi séparé ne peut plus se réunir ; ce qui est mort ne peut plus renaître. Mais pourquoi la mort survient-elle ? C’est parce que l’âme en luttant s’épuise, tout de même que le corps, s’il peine beaucoup, se détruit. La conformité au Tao nous permettra d’éviter cette usure de notre être. En effet, tout effort ne se produit que parce qu’il rencontre une résistance ; une action parfaitement harmonieuse ne serait arrêtée par rien et