Page:Sima qian chavannes memoires historiques v1.djvu/33

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Enfin l’école des lois est manifestement insuffisante ; le code pénal est un instrument rigide qui ne distingue pas entre les personnes et tranche les questions les plus complexes d’une manière uniforme ; il peut réprimer les mauvaises passions, mais il est incapable d’exciter les nobles sentiments. Cette doctrine est sévère et ne peut engager les hommes à bien agir. Cependant elle a mis en lumière certaines vérités importantes ; elle a établi avec netteté la distinction entre le prince et les sujets ; elle a formulé les attributions qui sont dévolues à chacun et prévient ainsi le désordre et l’anarchie.

Comme on le voit par cette revue de cinq systèmes, Se-ma T’an a l’esprit assez large pour comprendre que dans toute erreur est une âme de vérité : Sa critique pénétrante distingue entre ce qu’il faut admettre et ce qu’il y a lieu de rejeter. Si la discussion que nous venons d’exposer est bien propre à nous faire tenir en haute estime son jugement, elle nous montre en même temps d’une manière générale quel grand développement avait atteint la spéculation philosophique en Chine dès le IIe siècle avant notre ère. La multiplicité même des systèmes témoigne de l’ardeur avec laquelle les penseurs avaient poussé leurs recherches dans toutes les directions pour trouver une règle de vie.

Après avoir exposé les raisons pour lesquelles aucune des cinq premières écoles ne le satisfait entièrement, Se-ma T’an esquisse en quelques larges traits la morale taoïste qu’il adopte en définitive. Le taoïsme dont il nous parle n’est pas ce qu’il est devenu depuis, ce mélange de superstitions grossières où se sont entassées les rêveries alchimiques, puis les croyances bouddhiques ; il est la pure doctrine de Lao-tse et de Tchoang-tse ; on ne saurait lui refuser une rare élévation, quoique sa sublimité même le rende parfois obscur. Un esprit européen, peu accoutumé aux modes de pensée de l’Extrême-Orient, hésite à transposer dans nos langues, faites pour exprimer d’autres conceptions, les formules concises et énergiques où se complaît cette antique philosophie. Essayons cependant de suivre jusqu’au bout Se-ma T’an.