Page:Sima qian chavannes memoires historiques v1.djvu/54

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Li Ling ; des favoris efféminés blâmèrent sans vergogne le soldat qui avait risqué vingt fois sa vie pour son pays ; Se-ma Ts’ien fut indigné de leur conduite et, appelé à dire son avis, il prononça devant l’empereur un éloge enthousiaste du vaincu. « Li Ling, dit-il XXXIX-1, a servi ses parents avec piété et a été de bonne foi avec ses collègues ; toujours hardi, il ne s’inquiétait pas de sa personne et bravait la mort partout où il y avait quelque danger pour l’état. Les sentiments qu’il a sans cesse nourris sont ceux d’un brave qui mérite bien du pays. Maintenant, parce qu’une seule de ses entreprises a échoué, tous ceux qui prennent grand soin de leur propre personne et qui veillent au bien-être de leurs femmes et de leurs enfants s’empressent d’exagérer sa faute par leurs clabaudages ; en vérité c’est odieux. Considérez que Li Ling avait emmené à peine cinq mille fantassins lorsqu’il pénétra profondément dans le pays des voleurs et des chevaux XXXIX-2 ; il a tenu en respect plusieurs myriades de guerriers. Les esclaves XXXIX-3 n’avaient plus même le temps de venir chercher leurs morts et de secourir leurs blessés ; alors ils ont appelé toute la foule de leurs archers pour faire une attaque en masse et pour cerner Li Ling. Celui-ci combattit pendant mille li en opérant sa retraite : ses flèches s’épuisèrent et le chemin lui fut coupé. Ses soldats brandissaient leurs poings désarmés et se précipitaient au devant des épées nues ; tournés vers le nord, ils résistaient en luttant jusqu’à la mort. Li Ling a fait preuve d’une vaillance qui affrontait la mort ; même parmi les généraux d’ancienne renommée, aucun n’a été plus grand que lui. Quoiqu’il ait été battu et défait, cependant les ennemis qu’il a repoussés et écrasés sont en nombre assez grand pour illustrer l’empire. S’il n’est pas mort, c’est qu’il désire obtenir un succès capable de racheter sa faute, afin de reconnaître les bienfaits de son souverain. »


XXXIX-1. Ts’ien Han chou, chap. LIV, p. 8 r°.

XXXIX-2. C’est-à-dire le pays des Hiong-nou.

XXXIX-3. C’est-à-dire les Hiong-nou.