Page:Sima qian chavannes memoires historiques v1.djvu/53

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n’envoyait aucun secours. Délivré de toute inquiétude, le chef barbare redoubla d’efforts : « se mettant en travers de la route, nous dit le chroniqueur XXXVIII-1, il attaqua Li Ling avec impétuosité. Li Ling se trouvait dans la vallée ; les esclaves XXXVIII-2 étaient sur la montagne ; des quatre côtés les flèches tombaient comme une pluie. L’armée chinoise s’avançait vers le sud et n’avait pas encore atteint les monts Ti-han en un jour elle tira cinq cent mille flèches et épuisa toutes celles qu’elle avait ; on abandonna les chariots et on marcha ; il restait encore plus de trois mille hommes ; les simples soldats avaient pris des timons de char et les brandissaient ; les officiers avaient des couteaux longs d’un pied seulement. Arrivé aux montagnes, Li Ling entra dans une gorge resserrée. Le chen-yu XXXVIII-3 ferma les derrières et, montant au sommet de la montagne, il faisait rouler des quartiers de roche ; officiers et soldats périrent en grand nombre ; ils ne purent plus avancer. »

La nuit tomba au moment où les Chinois étaient pris dans cette impasse ; s’ils y restaient, ils étaient sûrs d’être massacrés jusqu’au dernier dès que le point du jour aurait paru. Li Ling ne savait quel parti prendre : il chercha à pénétrer seul sous un déguisement parmi les Hiong-nou afin de tuer leur chef ; mais cette folle tentative échoua. De retour parmi les siens, il voulait se suicider : on parvint à l’en dissuader. Il se résolut enfin à ordonner au milieu de la nuit un sauve-qui-peut général ; cette mesure désespérée n’eut pas grand succès ; quoique les Chinois ne fussent plus qu’à une cinquantaine de kilomètres de leur frontière, quatre cents d’entre eux à peine purent l’atteindre. Quant à Li Ling, poursuivi à outrance et redoutant d’ailleurs de paraître en présence de l’empereur, il se rendit aux barbares.

Lorsque la nouvelle de ce désastre retentissant parvint à la cour, ce fut une explosion de fureur contre


XXXVIII-1. Ts’ien Han chou, chap. LIV, p. 8 r°.

XXXVIII-2. Terme de mépris par lequel l’historien désigne les barbares.

XXXVIII-3. Titre que portait le chef Hiong-nou.