Page:Sima qian chavannes memoires historiques v2.djvu/338

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Tch’en Ché[1] fut le premier à commencer la révolte ; les braves s’élancèrent comme un essaim d’abeilles et se combattirent les uns les autres en nombre incalculable. Cependant (Hiang) Yu n’avait ni un pied ni un pouce de terre ; profitant de l’occasion, il s’éleva du milieu des sillons[2] ; au bout de trois ans, il commandait à cinq seigneurs[3], il avait écrasé Ts’in, il partageait l’empire et nommait des rois et des seigneurs ; l’autorité émanait de (Hiang) Yu ; son titre était « roi suprême ». Quoiqu’il n’ait pas gardé cette dignité jusqu’au bout, cependant depuis l’antiquité jusqu’à nos jours, il n’y en a jamais eu de si grande. Ensuite (Hiang) Yu viola (le traité relatif aux) passes et regretta (le pays de) Tch’ou[4] ; il chassa l’Empereur juste et se donna le pouvoir à lui-même ; il s’irrita de ce que les rois et les seigneurs se révoltaient contre lui ; quelles difficultés (ne s’attirait-il pas !). Il s’enorgueillit de ses exploits guerriers, s’enivra de sa propre sagesse et ne prit pas modèle sur l’antiquité. Sous le prétexte d’agir en roi suprême, il voulait s’imposer par la force et régler à son gré tout l’empire. La cinquième année, il perdit soudain son royaume ; lui-même mourut à Tong-tch’eng[5], mais il ne comprit point encore et ne s’incrimina pas lui-même ; quelle erreur ! En effet,

— C’est le Ciel, dit-il, qui me perd et ce n’est point que j’aie commis aucune faute militaire.

N’est-ce pas là de l’aveuglement ?

  1. Cf. Mémoires historiques, chap. XLVIII.
  2. C’est-à-dire qu’il n’était qu’un simple paysan.
  3. Ts’i, Tchao, Han, Wei et Yen qui avaient suivi Hiang Yu dans sa marche contre Ts’in.
  4. On a vu (p. 283) que Hiang Yu, désireux de retourner dans son pays natal, ne voulut pas établir sa capitale à Hien-yang.
  5. Cf. p. 317, n. 2.