Page:Sima qian chavannes memoires historiques v2.djvu/346

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sentier à travers les marais ; il avait ordonné à un homme de marcher en avant ; celui qui marchait en avant revint dire :

— Devant nous est un grand serpent qui barre le sentier ; je voudrais retourner en arrière.

Kao-tsou était ivre et lui dit :

— Quand un brave marche, de quoi aurait-il peur ?

Il s’avança donc, tira son épée et en frappa le serpent qui fut coupé en deux ; le sentier devint libre ; après avoir marché quelques li, (Kao-tsou) qui était ivre s’endormit. L’homme qui marchait en arrière vint et arriva à l’endroit où était le serpent ; il y avait là une vieille femme qui se lamentait dans la nuit ; l’homme lui demanda pourquoi elle se lamentait, la vieille répondit :

— Un homme a tué mon fils et c’est pourquoi je le pleure.

L’homme dit :

— Pourquoi ton fils a-t-il été tué ?

— « Mon fils, répondit la vieille, était le fils de l’Empereur blanc ; il s’était changé en serpent et barrait la route ; maintenant il a été tué par le fils de l’Empereur rouge et c’est pourquoi je me lamente[1].

L’homme crut alors que la vieille lui mentait et voulut la battre, mais elle disparut soudain. Quand l’homme qui

  1. Les Ts’in qui, à l’origine, résidaient à l’ouest de l’empire, prétendaient régner par la vertu du métal, car cet élément correspond à l’ouest. Sa couleur symbolique est le blanc. Les Han régnèrent par la vertu de l’élément feu dont la couleur est le rouge. Les paroles de la vieille femme donnent donc à entendre que Kao-tsou détruira la dynastie des Ts’in. — Ce passage est cependant assez singulier, car, au temps de Se-ma Ts’ien, on admettait que les Ts’in avaient régné par la vertu de l’eau (cf. note 06.216) et les Han par celle de la terre (cf. Introduction, note 308). Ce n’est qu’avec le triomphe de la théorie proposée par Lieou Hiang et par Lieou Hin à la fin du premier siècle avant notre ère, qu’on admit que les Han régnaient par la vertu du feu ; peut-être le texte même de Se-ma Ts’ien fut-il une des raisons qui furent invoquées à l’appui de la nouvelle théorie ; de même, pour prouver que les Ts’in régnèrent par la vertu du métal, on dut se fonder sur le texte qui raconte qu’il plut du métal à Li-yang, sous le règne du duc Hien (cf. p. 59).