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L’ÉCRIN DISPARU

jetée sur la voie, ou que l’Agenda soit tombé de sa poche pendant la lutte, il n’en est pas moins établi que l’objet a passé aux mains de quelqu’un.

Quelqu’un !… Quel mystère dans ce mot… Pour se défaire de ce document accusateur, le mystérieux inconnu n’a pas essayé du feu ; l’odeur de cuir brûlé est persistante ; des fragments et le fermoir de nickel eussent pu se retrouver dans les cendres ; le lac même n’eut pas été une sécurité ; il avait voulu l’enfouir dans la vase, lorsque troublé sans doute par quelque passant inopportun, il dut s’éloigner avant la fin de l’opération.

Évidemment, cet inconnu n’est pas venu au Parc des Cyprès à seule fin d’y enfouir la pièce à conviction. Dès que dans sa poche il a retrouvé l’objet qu’il y avait mis par prudence, après l’avoir ramassé sans doute à l’endroit du crime, il s’en sera vite dessaisi et l’aura jeté au plus près !…

Au plus près !  !  ! c’est-à-dire dans ce Parc !…

Le criminel est donc un des habitants de cette maison. Ainsi, reprit douloureusement monsieur Giraldi le meurtrier de mon fils habiterait sous mon toit !… Il se pourrait que chaque jour je voie son visage, qu’à tout moment, sa voix frappe mes oreilles, que ma main touche la sienne !…

Et levant les yeux et les mains dans un geste d’affreuse désolation, il s’écria :

Oh ! non, cette pensée est trop horrible pour être réelle…

Les témoins de cette scène l’écoutaient consternés ; nul ne sut trouver un argument capable de le dissuader. Du geste d’un homme désespéré, il écarta les siens qui cherchaient à se rapprocher de lui.

— Non ! laissez-moi, je veux être seul !… seul… Mais avant de sortir d’ici, vous allez tous me jurer le secret le plus absolu sur la découverte d’aujourd’hui…

Le malheureux père ne s’expliqua pas davantage ; mais une chose était visible, c’est qu’il craignait qu’une enquête ne vînt à établir la culpabilité d’un de ses proches. — D’un accord unanime, tous lui promirent de ne pas parler, avant qu’il ne les eût déliés de leur serment.

Les pompeuses funérailles terminées, le corps du fils fut placé aux côtés de sa mère et de son frère aîné dans le riche caveau de la famille au cimetière de la Côte-des-Neiges. Mais alors, l’existence devint plutôt un supplice au « Parc des Cyprès. » Nul mot ne semblait mieux choisi que ce dernier… N’est-ce pas cet arbuste, en effet qui ombrage les tombes au fond desquelles, pour