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L’ÉCRIN DISPARU

Le son d’une clochette venait d’annoncer le déjeuner.

Monsieur et Madame Giraldi, suivis de leurs invités, montèrent le perron, et par le vestibule orné de trophées de chasses, gagnèrent la salle à manger. C était une vaste pièce richement meublée, dont les portes-fenêtres entourées de balcons, ouvraient sur des jardins à la française ; c’était la façade la plus gaie et la plus ensoleillée de l’habitation.

Dès qu’il eut remarqué l’absence du Professeur de dessin, monsieur Giraldi demanda ;

— A-t-on prévenu monsieur Dupras de l’heure du déjeuner ?

Un serviteur s’avança pour répondre :

— À dix heures, monsieur Dupras était dans sa chambre se préparant à partir pour Québec ; il venait de recevoir un télégramme, l’appelant auprès de sa mère mourante à l’asile de Mastaï. Monsieur Giraldi en témoigna une pénible surprise.

La conversation, qui au début du dîner, avait pu éviter un instant le thème si ordinaire, depuis le tragique événement, y revint peu à peu comme entraînée par une pente fatale.

Au sujet de Dupras, monsieur Giraldi avait eu une exclamation :

— Le pauvre garçon ; dans son état nerveux, un nouveau malheur l’achèvera. Mais chez Lédia le cri du cœur, fut moins de pitié, que de soulagement :

— Ah ! puisque le voilà rappelé près de sa mère, qu’il y reste donc et le plus longtemps possible… La présence ici de ce maniaque dangereux est pénible pour tous.

— Pas pour moi, protesta son mari ; je me rappelle avec plaisir l’affection de mon cher Jean pour son Professeur. Quand ce dernier me quittera, ce sera un souvenir du passé qui disparaîtra avec lui !… Aussi, loin de souhaiter son départ, je tâche de le différer le plus possible. Avant notre deuil, Dupras m’avait proposé de faire le tableau généalogique de la famille de ma chère défunte ; je souhaite qu’il puisse le mener à bien.

— Je ne crois pas que ce soit des documents sur la généalogie de feu votre épouse, qu’il est allé chercher dans les tiroirs de mon chauffeur, fit Lédia, avec une impatience croissante. Vous savez que Harry l’a trouvé en train de perquisitionner dans sa chambre et l’a expédié dehors avec non moins de sans-gène.

Croyez-moi, cher ami, le séjour de notre maison est malsain pour le moral de ce jeune homme ; tout ici lui rappelle son élève et sa douleur se transformera en démence si on ne l’éloigne pas au plus tôt.