Page:Simon - L'écrin disparu, 1927.djvu/158

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Bien que mariée à un catholique, dont elle-même professait la foi, le million du mari me fit fermer les yeux sur ses croyances, Par mon ordre, elle me présenta à monsieur Giraldi, comme un ancien militaire réformé qui sollicitait une place de chauffeur.

J’ai dit l’épouvante que j’inspirais à ma pauvre Lédia depuis mon divorce et mon apostasie, surtout quand je fus installé au Parc des Cyprès. J’en souffrais pour elle et néanmoins, elle n’osait me refuser son intermédiaire pour la diffusion de ma secte, que patronnaient quelques Orangistes d’Ontario.

Jean, le plus jeune des enfants de monsieur Giraldi, était souvent auprès de sa belle-mère : c’est ainsi qu’il surprit quelque chose de la vérité. Croirait-on que ce garçon de 15 ans à peine, ait poussé l’audace jusqu’à me signifier mon congé…

Un jour, il vint me trouver et me dit :

— Harry, vous prétendez n’être qu’un homme du peuple, ne sachant d’autre langue que l’anglais et je me suis aperçu que vous lisiez en cachette, des journaux français et allemands ; vous recevez de même des lettres en diverses langues sous le couvert de madame Giraldi, qui ne vous dénonce pas, soit par pure bonté puisque vous êtes son compatriote, soit parce que vous l’auriez menacée de votre vengeance !…

Moi non plus, je ne vous dénoncerai pas, afin qu’elle ne soit point inquiétée à votre sujet ; mais c’est à la condition expresse que d’ici huit jours, vous ayez franchi le 45ième parallèle… sinon, toute la police canadienne aura votre signalement, avec force détails et si vous ne voulez goûter de la corde… retournez au plus vite d’où vous êtes venu. Des gens comme vous, et de doctrines comme les vôtres, le Canada n’a que faire…

— Pauvre innocent !… quelle candeur de m’avertir à l’avance de ses sentiments et de ses intentions !… je saluai militairement, lui promis d’être fidèle à la consigne, et cela avant le délai expiré.

Le lendemain, il allait à Montréal prendre sa leçon de musique, Ayant conduit ma fille à Pointe à Fortune, chez une de ses amies, je repartis aussitôt, alléguant une réparation urgente à la voiture. De bonne heure j’arrivai à Montréal et vint stationner à quelque distance de la maison où Jean recevait sa leçon de musique.

La leçon terminée, l’enfant vint à moi, surpris de ma présence et s’informa du motif qui m’avait amené. Dans un français pas mal écorché, je lui dis en substance :

— Une dépêche a demandé Dupras auprès de sa mère mourante à l’asile de Mastai — Québec — Pour gagner du temps,