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L’ÉCRIN DISPARU

— Douze mille dollars !… si je les avais !…

Oui, si je les avais… ces trois mots, martelés avec une âpre insistance, résonnaient au plus intime de son âme. Une colère grondait en lui : il s’exaspérait contre le fils indigne : il lui semblait, que le volé, c’était lui, Léo GIRALDI…

Il avait comme une impression vague, indéfinissable que des liens invisibles le rattachaient à ce drame, que sa vie n’allait plus être la même, et qu’il y avait désormais pour lui et en lui, quelque chose de changé. — Vaincu enfin par le sommeil, Léo se jeta sur son lit tout habillé.


V

BIOGRAPHIE.


Originaires de Florence, les parents de Léo Giraldi, l’année même de leur mariage, avaient échangé les douceurs du beau ciel d’Italie, pour le climat plus sévère, mais aussi plus rémunérateur du Canada. Les lettres enthousiastes reçues d’amis qui les y avaient précédés, leur dépeignaient le Saint-Laurent comme un nouveau Pactole, l’Eldorado de tous les prolétaires !… Au mois de mai suivant, vaincu par la fascination, le jeune couple s’embarquait au Havre, à bord de « La Savoie » dans la modeste classe des émigrants.

Bon catholique et musicien distingué, le jeune époux se forma rapidement une bonne clientèle d’élèves et obtint la place d’organiste dans l’une des nouvelles paroisses de la banlieue de Montréal. Les choses allaient à souhait, et le ciel bénissant leur union, Léo leur premier né, avait été reçu comme l’envoyé de Dieu, le soleil de leur foyer. Quinze années coulèrent, dans le bonheur paisible d’un modeste ménage, sans ambitions démesurées, sans nuages à l’horizon. Pour eux aussi, malheureusement, devait se réaliser le dicton : « On risque de tout perdre, en voulant trop gagner. »

Poussé par le désir d’accélérer l’accroissement de sa petite fortune, le musicien avait, dans des spéculations minières, engagé toutes ses petites économies. Or l’entreprise était aussi aléatoire qu’imprudente ; trompé par des prospecteurs malhonnêtes, le malheureux organiste vit dans un même jour, l’effondrement de sa fortune et de ses espérances. Le chagrin qu’il en ressentit, porta un coup fatal à sa santé ; moins d’un an après le désastre, l’infortuné mourait, laissant sa veuve et son fils, dénués de toutes