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L’ÉCRIN DISPARU

Jean, le dernier de ses fils, avait déjà quelques mois lorsque Giraldi se décida à faire part à sa femme de ses découvertes, de son succès, de ses espérances. Il était calme, à présent, parce qu’il se savait fort et tenait en main l’instrument de sa fortune et de son indépendance.

Lucie l’écouta rêveuse et ne parut pas s’enthousiasmer comme il l’aurait cru ; elle ne nourrissait pas d’autre ambition que de rester dans leur modeste situation, cachant son bonheur entre son mari et ses enfants. De si grands projets n’étaient pas sans l’effrayer quelque peu :

— Sois prudent, lui disait-elle. Ne te lance pas avant d’être bien certain d’avoir réussi.

Et lui aussitôt de protester contre des doutes qui lui semblaient injurieux. Sa femme alors reprenait :

— J’admets que tu aies trouvé. Mais sans être au courant de toutes ces choses, je ne doute pas qu’il faille bien de l’argent, pour prendre tes brevets et construire un appareil d’essai.

Où l’auras-tu cet argent ? Ce n’est pas ton dépôt à la Banque de « Ville-Marie » qui peut y suffire ; puis, que l’un de nous retombe malade : que restera-t-il, comme ressources ?

Plus optimiste, Léo tâchait de la rassurer. Il espérait trouver à bon compte un commanditaire assez éloigné pour ne pas éveiller l’attention de son entourage, et risquer le bénéfice de son invention. Lucie ne voulut point le détromper ; mais son bon sens pratique, son sûr instinct de la vie, lui faisaient vaguement prévoir, que de ce côté, les choses n’iraient pas aussi simplement que son mari le prétendait.

Les événements devaient lui donner raison. En vain Léo frappa-t-il à plusieurs portes ; partout il se heurtait à la défiance, au parti pris, ou à l’incompétence. On lui déniait à lui, simple employé, les capacités nécessaires pour réaliser un perfectionnement ayant l’envergure et les conséquences qu’il prédisait. Léo avait beau affirmer, réfuter les objections : celles-ci se multipliaient, se faisant de plus en plus spécieuses.

Bientôt, Léo Giraldi se rendit compte que le seul obstacle sérieux qu’il rencontrait au travers de son chemin, était précisément le seul qu’il n’avait pas prévu.

Il se lassa vite de quémander ; son caractère se prêtait mal à ce rôle, n’ayant ni la souplesse, ni la modestie nécessaires pour y réussir. Un grand découragement l’envahit ; fallait-il donc que fussent perdus tant de travaux, tant de réflexions et d’heures passées en d’exténuantes recherches, parce qu’il lui manquait cette inintelligente et brutale chose : l’argent ?… Il finissait par le