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L’ÉCRIN DISPARU

revues scientifiques des États-Unis comme du Canada, on signalait l’événement avec force louanges et avec tous les détails de construction révélés jusqu’alors. Mais la réaction ne tarda pas à se manifester ; bien vite deux camps se formèrent : d’un côté les sceptiques, qui de parti pris plutôt qu’à l’aide d’arguments, mirent leur amour-propre à nier ce qui les dépassait ; de l’autre les vrais amis du progrès, assez grands pour reconnaître le mérite et y applaudir en quelque lieu qu’ils le rencontrent.

Il s’ensuivit des controverses, puis des polémiques ardentes, où chacun mit à contribution toutes les ressources de sa rhétorique pour le besoin de son parti. Une revue française ayant traduit quelques articles de l’« American Scientific », des hommes compétents et de bonne foi qualifièrent de merveilleux, les résultats obtenus par le « Moteur Giraldi » et ne ménagèrent pas les éloges à l’ingénieux inventeur.

Une sorte de revirement se produisit dans l’opinion grâce auquel l’auteur du système nouveau fut moins discuté ; on lui fit crédit d’un peu de patience, en attendant qu’une grande démonstration publique imposât sa supériorité avec une évidence indiscutable.

Pendant ce temps, Monsieur Giraldi ne quittait pas les ateliers « Kinsley » de Milwaukee ; secondé par des mécaniciens et des ingénieurs de l’établissement, il travaillait sans relâche à la mise au point de son appareil ; il avait dû modifier certains détails de sa conception primitive, mais n’avait éprouvé aucune désillusion quant au principe même de sa découverte, et il entrevoyait déjà pour l’avenir bien d’autres succès, grâce à des perfectionnements successifs, qu’il se sentait de taille à réaliser.

Au cours de cette période fiévreuse, pendant laquelle l’espoir et l’orgueil du triomphe gonflaient son cœur, ses auxiliaires admiraient son ardeur au travail, sa tranquille et froide volonté et l’instinct presque infaillible par lequel, il suppléait au point de vue technique, l’expérience qui lui manquait encore.

Toutefois, il eut à compter avec l’envie et la méchanceté humaines, car toute gloire qui s’élève, appelle sa contingence de haines suscitées ou par des intérêts froissés, ou par des motifs moins avouables encore.

Un jour, Léo Giraldi trouva brisées plusieurs pièces de son carburateur ; un autre jour, à la veille d’une expérience, du gravier fin ayant été jeté dans les cylindres eût causé un fatal accident, sans la perspicacité prévoyante du jeune inventeur. Nul de ces attentats n’avait réussi à le décourager, et il en éprouvait plus de peine que de crainte, attribuant à des étrangers ces actes de jalousie haineuse.