Page:Simon Levy - Moïse, Jésus et Mahomet, Maisonneuve, 1887.djvu/104

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États, peut-être la plus grande. On échangeait l’esclave de pays en pays ; des transactions commerciales se faisaient sur sa tête ; on le cédait quelquefois pour des produits agricoles. En présence de cet ordre de choses établi, que devait, que pouvait faire Moïse ? Proscrire soudainement l’esclavage ? Mais Israël allait se fonder en nation à côté de celles qui avoisinaient la Palestine : il recherchera l’amitié de ces nations ; il voudra vivre en paix avec elles ; des relations s’établiront, et s’il peut avoir sa croyance, son dogme, ses mœurs à part, lui sera-t-il possible, au même degré, de manquer d’une des bases constitutives de la richesse des peuples qui l’entouraient ? Et puis, ne sait-on pas que toute l’économie sociale des anciens peuples reposait sur l’institution de l’esclavage ? L’agriculture y trouvait ses assises comme son développement ; l’aristocratie ses ressources, son fondement comme sa prospérité ; la classe ilote elle-même y trouvait le plus souvent son contentement ; en un mot, tout, avec cette inique institution, semblait être tellement dans l’ordre, qu’Aristote, le grand Aristote, ne craignit pas de la revêtir des couleurs de la justice et du droit.

Ah ! si, comme Aristote, la Bible, refoulant le sentiment moral, avait applaudi à cette exploitation de l’homme par l’homme ; si elle n’avait prononcé contre elle, tout en la subissant, aucune parole de réprobation ou de condamnation, nous comprendrions que des doutes s’élevassent sur l’excellence des enseignements du Judaïsme, et qu’on vînt lui contester le droit de parler de dignité humaine ! Mais, est-ce bien là ce que fait la Bible ? Ne faut-il pas au contraire être singulièrement prévenu contre elle, pour ne pas s’apercevoir que l’esclavage lui fut chose odieuse, mais chose qu’il lui eût été impossible de déraciner tout d’un coup, à moins de se placer complètement en dehors des conditions où se trouvait alors le peuple hébreu ?