Page:Simon Levy - Moïse, Jésus et Mahomet, Maisonneuve, 1887.djvu/105

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Ainsi, quand on la voit restreindre à six ans le droit pour l’esclave d’abdiquer sa liberté, et qu’elle lui fait poser une marque infamante à l’oreille[1], s’il est assez lâche pour se plaire, en s’y rengageant, dans son état de servitude ; quand on la voit, à l’approche de chaque jubilé, proclamer l’indépendance de tout homme asservi, en lui laissant toutefois le droit, la latitude de s’assujettir de nouveau si la misérable condition d’où il sort ne lui a pas mis au cœur un profond sentiment de dégoût et d’horreur[2], peut-on se méprendre sur son intention bien évidente de préparer de loin l’abolition, le tombeau de l’esclavage ? Et, en attendant que cette abolition puisse devenir un fait accompli, voyez comme elle cherche à adoucir la position de l’esclave ! Quels sentiments d’humanité et de bienveillance ne prescrit-elle pas à son égard ? Tandis que les Grecs et les Romains avaient sur leurs esclaves droit de vie et de mort, les Hébreux ne pouvaient les maltraiter, sous peine d’être obligés de les rendre à la liberté [3]Exode, chap. XXI. v. 26 et 27.. Un esclave échappé, il leur était défendu de le renvoyer à son maître[4], et ceux qu’ils avaient en leur possession, ils devaient les convier à tous les festins de réjouissance au repas des dimes, à celui de l’agneau pascal s’ils s’étaient convertis[5], dans tous les cas fallait-il leur laisser le repos du sabbath et des fêtes[6]. Le motif qui avait dicté ces prescriptions, le sentiment intime qui leur avait donné naissance, et qui n’était autre que celui de la fraternité universelle, fut si vite et si généralement compris, qu’un poète, dont l’existence remonte presque au berceau du Judaïsme, ne vit déjà dans les maîtres et les esclaves que les enfants d’un même père. « Non, jamais, dit l’auteur du livre de Job, jamais je n’ai foulé aux

  1. Exode, chap. XVIII, v. 5 et 6.
  2. Lévitique, chap. XXV, v. 44.
  3. (3)
  4. Deut., chap. XV, v. 11 ; Ib., chap. XV, v. 18.
  5. Ex., chap. XII, v. 44.
  6. Exode, chap. XX, v. 10.