Page:Simon Levy - Moïse, Jésus et Mahomet, Maisonneuve, 1887.djvu/149

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l’autre monde, vous les déclarez en même temps vos frères, vos prochains ! Cela est charitable, mais cela n’est pas logique. Et pouvoir être d’accord avec ses principes, n’est déjà pas chose si insignifiante. Car craignez que, dans un siècle ou dans un autre, il ne s’élève un théologien au cœur sec, à l’esprit rigoureux, qui, poussant votre mauvais principe jusqu’à son extrême limite, ira faire brûler Michel Servet en place publique ou dresser le tribunal de l’Inquisition en face de vos saints autels.

Eh bien, cette même inconséquence avec laquelle le Christianisme met l’égalité entre des hommes parfaitement inégaux au point de vue de son dogme, cette inconséquence nous la retrouvons chez lui à propos du problème de la destinée humaine. Sans se soucier le moins du monde de savoir si, placé sous le regard d’une Providence qui le fait devenir ce qu’elle veut qu’il soit, l’homme peut ou non marcher librement à sa fin, le Christianisme affirme que nous avons tous une destinée à accomplir. Sans aucun doute, notre existence a un but final, et nous dirons tout à l’heure quel il est. Mais avant de déterminer ce but, de marquer cette destinée, d’en indiquer la nature, il n’est pas indifférent de savoir si nous sommes ou non poussés en avant par une volonté qui n’est pas la nôtre, si nous sommes des personnes, en réalité maîtres de nous-mêmes ou esclaves d’une puissance supérieure, ouvriers libres et intelligents ou instruments aveugles et passifs, en un mot, si nous sommes rivés fatalement à une chaîne le long de laquelle nous nous traînons depuis le commencement jusqu’au terme de notre vie, ou bien si nous sommes en possession d’une franche et complète indépendance. Car, que me sert-il d’apprendre quelle est ma destinée, si je suis persuadé d’avance qu’il ne tient pas à moi d’en avancer ou d’en retarder l’accomplissement ? Dès