Page:Simon Levy - Moïse, Jésus et Mahomet, Maisonneuve, 1887.djvu/152

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s’y arrêter, tandis que l’Église insiste sur cette rupture avec une obstination telle qu’on voit bien qu’elle en fait la pierre angulaire de son édifice religieux. Exclure de toute communication avec le Créateur celui qui n’a pas consenti à se réconcilier avec lui par l’intermédiaire de Jésus, c’est évidemment ce qui ressort de l’enseignement des docteurs chrétiens les plus autorisés ; presque tous ne brodent que sur ce canevas, du moins est-ce là le fond de toutes les prédications de l’apôtre Paul qui substitue si volontiers la foi à la Loi.

Or, que signifie, que peut signifier le mot destinée pour celui qui n’a plus aucun rapport avec Dieu ? Ce n’est apparemment pas de notre corps que l’on veut parler, quand on nous invite à marcher à notre fin. Notre corps a en lui-même son but final qui n’est pas différent de celui de tous les autres corps organiques. On s’adresse donc à notre âme. Mais là, nous rencontrons aussitôt l’intelligence, le sentiment et la volonté, facultés qui n’ont pas leurs correspondantes sur la terre. Au ciel seul, ou, pour parler plus philosophiquement, au-dessus des régions matérielles de l’Univers, se trouve un Être qui en possède de semblables, plus parfaites encore que les nôtres, puisque les nôtres n’en sont qu’une image, et qu’elles ne deviennent vraiment grandes et belles que lorsqu’elles cherchent à s’en rapprocher chaque jour davantage. Mais comment tenteraient-elles ce noble effort si réellement un abîme existait entre Dieu et nous par la rupture due au péché originel ? Le Christianisme, après avoir creusé cet abîme, a beau venir ensuite le combler en restituant Dieu à notre âme par le moyen de la rédemption. Il n’y réussira qu’à moitié. Ce ne sera jamais d’une destinée humaine qu’il pourra être question. Ce sera tout au plus d’une destinée chrétienne, de laquelle seront nécessairement exclues toutes les âmes qui n’auront pas foi en Jésus et en sa mission rédemptrice.