Page:Simon Levy - Moïse, Jésus et Mahomet, Maisonneuve, 1887.djvu/153

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Ainsi, de quelque côté que nous nous tournions, soit que nous envisagions le Christianisme dans ce qu’il enseigne de la prédestination appliquée au genre humain tout entier, soit que nous le considérions seulement au point de vue de son opinion sur ceux qui demeurent en dehors de l’Église, nous ne voyons plus la destinée humaine être autre chose pour lui qu’une abstraction. Ici, elle disparaît sous un fatalisme vainement mitigé, là, elle trouve la mort dans son germe, par suite de l’impossibilité où sont les facultés de notre âme de communiquer avec Dieu. Le chrétien, lui, que Jésus a remis en rapport avec la divinité, voit d’avance son rôle tracé dans les événements où il est appelé à devenir acteur ; quant à l’infidèle, il n’a qu’à se résoudre à laisser s’éteindre une à une toutes ses aspirations vers l’infini ; tout motif de développement manque à son âme séparée, par son prétendu état de chute, du principe qui seul est capable de l’éclairer, de l’inspirer, de lui donner la nourriture dont elle a besoin pour se perfectionner de jour en jour.

Et malgré cela, la doctrine chrétienne affirme hautement et de la manière la plus positive, que l’homme a une destinée à remplir. Elle ne laisse pas échapper une occasion d’attirer nos regards sur un parfait modèle qu’elle propose à notre imitation et dont elle place le siège dans un monde où nous ne pouvons arriver que par les puissances immatérielles qui sont en nous. Certes, elle est à nos yeux dans une erreur coupable, elle commet un sacrilège quand elle se prend à personnifie ce modèle et à lui donner pour sujet un homme divinisé. Pour nous, Israélites, ce modèle ne peut se rencontrer qu’en Dieu seul. Mais, son erreur à part, elle invite, comme nous, le genre humain à se perfectionner, à donner cours à ses aspirations vers l’infini, à creuser le champ de la science pour lui faire