Page:Simon Levy - Moïse, Jésus et Mahomet, Maisonneuve, 1887.djvu/154

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produire les précieux fruits qu’il recèle dans son sein, à s’approprier toutes les richesses de l’art si capables d’ennoblir le sentiment, à moissonner constamment dans le domaine de la vérité, parce que ce domaine est une terre sacrée, la partie la plus digne de notre âme. Seulement, quand on l’écoute parler de la sorte, on ne peut se refuser de crier à l’inconséquence. On se demande instinctivement où l’homme courbé sous la loi de la prédestination, prendra et la liberté d’action et l’initiative de résolution, et l’énergie de caractère nécessaires pour entreprendre de s’élever et pour se maintenir dans une sphère aussi haute. On se demande encore où sera la sanction morale, où sera la responsabilité, où sera le châtiment pour celui qui préférera la satisfaction des sens à la recherche de la vérité, et qui prétendra se justifier par sa foi à la prédestination ? Heureusement que chaque chrétien n’examine pas d’aussi près les conséquences possibles du système dont il s’est constitué l’adepte et le champion, et voilà ce qui a permis au Christianisme de rester, pendant des siècles, la religion d’une suite de générations qui se sont fait du progrès une règle invariable, sans s’inquiéter de savoir si l’immobilité ne leur aurait pas plutôt convenu, comme étant plus en accord avec leurs croyances religieuses.

Au fond, nous ne faisons donc pas au Christianisme un crime de son inconséquence. Nous sommes au contraire très heureux de l’avoir vu s’y jeter. Une des plus belles faces du Judaïsme a été ainsi mise en lumière par lui, car c’est sans contredit à la religion-mère qu’il a emprunté cette idée du développement indéfini, dont il fait une loi à l’espèce humaine. Rien de ce genre n’existait chez les païens dont il entreprit d’opérer la conversion ; chez eux tout était inertie, apathie, résignation énervante. On ne peut que féliciter la doctrine chrétienne