Page:Simon Levy - Moïse, Jésus et Mahomet, Maisonneuve, 1887.djvu/183

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donné lieu dans le pays précisément où elle avait été de tout temps le plus en vogue et en honneur. C’en était assez pour que Moïse n’y insistât pas trop, surtout ne s’y appuyât pas essentiellement pour en faire un dogme fondamental, tout en aimant à la laisser subsister au cœur de son peuple à titre de croyance salutaire et consolante quand elle est maintenue dans de justes limites. Et ce qui prouve cette dernière tendance chez Moïse, c’est l’intention manifestement marquée par lui dans plus d’un de ses discours d’entretenir chez les Hébreux l’espoir de récompenses et de félicités non seulement matérielles, mais encore spirituelles.

En effet, que l’on ne croie pas que Moïse, en parlant sur le ton où il l’a fait des récompenses et des punitions terrestres, n’ait jamais eu en vue que des rémunérations purement matérielles. Le côté spirituel de la rémunération n’est pas si négligé par lui qu’on a bien voulu le dire, et si réellement ce côté existe, ne peut-on pas déjà prendre de là comme une certitude de rencontrer par le Pentateuque mainte allusion à la croyance à l’immortalité de l’âme ? Et maintenant, il faudrait volontairement fermer les yeux sur la signification des mots pour ne pas voir que c’est, par exemple, une rémunération non temporelle mais parfaitement spirituelle que la bénédiction donnée par Abraham en ces termes : « Toutes les nations seront bénies en ta postérité[1]. » Le Pentateuque attache à cette bénédiction une importance telle qu’il en répète littéralement les expressions quand il parle d’Isaac[2], sans en rien la modifier encore lorsqu’il vient à parler de Jacob[3]. Est-ce d’un bonheur matériel qu’il est question ici ? Ne sait-on pas qu’il ne s’agit là, en aucune façon, de félicité, de bien matériel dont il n’y avait

  1. Genèse, chap. XXII, v. 18.
  2. Genèse, chap. XXVI, v. 4.
  3. Genèse, chap. XXVII, v, 14.