pas de raison de promettre la possession à toutes les familles de la terre par le seul fait du mérite des patriarches ? Ce que renferme cette bénédiction ainsi répétée, c’est l’assurance que par la foi d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, le monde entier sera appelé à faire son salut ; que chaque peuple de la terre s’animant de cette foi et se laissant éclairer, guider par elle, aura, à son tour, pour guide, pour gardien le Dieu des patriarches, le Dieu qui dirige les destinées des humains, et qui peut, en ne donnant pas quelquefois à ces derniers tout le bonheur qu’ils ont mérité dans ce monde, leur en réserver la jouissance complémentaire dans le monde futur.
C’est aussi de cette façon toute spirituelle qu’Israël a toujours compris la triple bénédiction que, depuis Moïse, on prononce journellement sur sa tête. Ces paroles sacramentelles : « Que Dieu te bénisse et te garde ; que le Seigneur t’éclaire de sa lumière et t’accorde sa grâce ; que l’Éternel tourne sa face vers toi et te donne la paix[1] », peuvent-elles vouloir viser autre chose que des faveurs spirituelles ? Et si ces faveurs ne nous échoient pas toutes durant notre vie sur cette terre, qu’est-ce qui empêche Dieu de rendre notre âme parfaitement heureuse dans l’autre monde après notre mort ?
Ces considérations, on le voit, nous élèvent déjà sensiblement au-dessus de la rémunération que l’on dit tant être exclusivement terrestre dans le Pentateuque, et nous rapprochent du seuil de l’éternité où l’âme, après la mort du corps, aura sûrement son existence personnelle et immortelle. Nous disons sûrement, et nous oserions presque mettre cette expression dans la bouche de Moïse. Car après la distinction catégorique qu’il a eu soin de faire entre le corps et l’âme, après la différence d’origine qu’il
- ↑ Nombres, chap. VI, v. 2 et suivants.