la raison l’imagination, que de maintenir les ténèbres là où il y a place pour la clarté. L’un nous mène à l’erreur, l’autre à notre perte.
Que serait-ce, enfin, si nous voulions nous appesantir sur le haut degré de moralité qui résulte pour nos actions de cela même que nous ne savons rien des châtiments ou des récompenses qui leur sont réservés ? La vertu pourrait-elle bien encore être désintéressée si nous connaissions toujours au juste ce qui devra en être la suite nécessaire ? Le calcul ne prendrait-il pas quelquefois la place du dévouement, et où serait le mérite de faire le bien si, en le pratiquant, nous avions constamment les yeux tournés vers les béatitudes célestes qui en seront l’infaillible rémunération ? Sans doute, dans notre condition présente, nous savons également que ces béatitudes ne nous échapperont pas. Mais autre chose est d’en être persuadé sans savoir exactement ce qu’elles sont, et autre chose d’en avoir une parfaite connaissance. Dans ce dernier cas, nous ne serions jamais assez maîtres de nous-mêmes pour en détacher notre pensée, et la vue toute spirituelle que nous en aurions pèserait tellement sur nos résolutions et nos actions, qu’elle leur ôterait une grande partie de leur valeur morale.
Ce fut donc tout ensemble pour tenir l’homme dans une juste sujétion vis-à-vis de Dieu, pour conserver le champ libre à l’exercice de ses facultés et pour laisser au devoir toute son indépendance, que la Bible a gardé le silence sur les choses de la vie future. Ce silence mérite plutôt d’être loué et admiré que critiqué et blâmé. L’exemple de faire le contraire ne lui avait certes pas manqué. Les descentes aux enfers n’ont pas commencé seulement à être popularisées par Virgile ni même par Homère. Orphée, le père de la poésie grecque, en avait déjà rapporté l’idée de l’Égypte où, sans doute, les prêtres s’étaient complus