Page:Simon Levy - Moïse, Jésus et Mahomet, Maisonneuve, 1887.djvu/214

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comme quoi il est de l’essence d’une religion révélée de ne pas se hasarder à mettre le pied sur un terrain aussi glissant et aussi plein d’écueils pour l’imagination populaire.

Qu’il soit venu à l’idée de plus d’un esprit hardi d’explorer ce terrain, cela se comprend. La limite qui sépare le fini et l’infini a beau être déclarée infranchissable, la curiosité humaine sera toujours tentée de la franchir. Il n’y a jamais que la vraie sagesse qui sache s’arrêter à point. Mais combien, dans le monde, peuvent se flatter de posséder cette sagesse ! Admirons cependant celle relative dont ont fait preuve quelques écrivains bibliques et quelques docteurs juifs de la Mischnah, qui, malgré le silence gardé par le Pentateuque sur les éventualités de la vie future, avaient essayé d’en pénétrer, d’en découvrir, d’en affirmer quelque chose. Jamais ils n’ont osé aller plus loin qu’à une conception générale de ce qui s’y passe. C’est dans son ensemble qu’ils ont envisagé le monde à venir. En décrire les diverses dispositions, ç’eût été vouloir ravir à Dieu son secret ; c’eût été aussi, ajoutons-le, s’engager dans un labyrinthe sans fil conducteur. Voyez l’auteur du livre de Job ! Lui, le premier, a osé élever son ambition jusqu’à soulever un coin du voile qui recouvre les choses d’outre-tombe. Qu’en a-t-il dit ? Les paroles suivantes bien vagues et bien indécises : « Que là finissent les colères des méchants ; que l’on y voit la fin de toutes les fatigues ; que les persécutés de la terre y trouvent le repos et qu’on n’y entend plus la voix de la tyrannie ; que l’égalité s’y établit entre le petit et le grand et que le maître n’y a plus de prise sur l’esclave[1]. »

L’inimitable chantre des psaumes ne se montre pas moins réservé dans ce qu’il dit de la béatitude du juste dans le

  1. Job, chap. III, v. 17 à 20.