Page:Simon Levy - Moïse, Jésus et Mahomet, Maisonneuve, 1887.djvu/231

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liées à la croyance à un enfer et à un paradis complètement matériels. Pendant que le Dante faisait son poétique voyage au Purgatoire, dans l’Enfer et dans le Paradis, et nous donnait de ces divers lieux des descriptions où éclatent tout ensemble le génie, la grandeur d’âme et le sentiment de l’harmonie qui distinguait le célèbre poète ; pendant que Milton charmait le monde par les magnifiques tableaux de son Paradis perdu ; pendant que les peintres de l’École d’Italie s’immortalisaient par des toiles brillantes sur lesquelles, l’Évangile sous les yeux, ils avaient représenté les scènes symboliques du royaume des cieux et du jugement dernier, la Synagogue, elle, par l’organe de ses théologiens, répudiait jusqu’à cette ombre de matérialité qu’ailleurs on a si volontiers laissé projeter sur la vie future. Nous disons une ombre de matérialité, car, à Dieu ne plaise que nous transportions de l’École des poètes et de celle des artistes dans le sein de l’Église chrétienne, toutes ces images complaisamment exagérées sous lesquelles se peignait l’immortalité. Et quand même nous en découvririons l’origine, la source première dans les écrits des apôtres, serait-il raisonnable de les prendre pour autre chose que des figures et des symboles ? Faut-il plus qu’un peu de bonne volonté pour admettre que Jésus et ses disciples ne s’en sont servis que pour se faire mieux comprendre de la foule qui les suivait ? Si nous cherchions bien, ne trouverions-nous pas des images absolument semblables dans les écrits des docteurs israélites ? Lorsque, par exemple, le Fils de Marie présente ces charmantes paraboles où le royaume des cieux est comparé tantôt à un père de famille qui loue des ouvriers pour faire travailler sa vigne[1], tantôt à un roi qui fait les noces de son enfant[2], tantôt à

  1. Mathieu, chap. XX.
  2. Mathieu, chap. XXII.