Page:Simon Levy - Moïse, Jésus et Mahomet, Maisonneuve, 1887.djvu/230

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souvent complu à envisager comme un lieu plein de supplices matériels, n’est qu’un mot pour signifier la douleur et la torture[1] ». Car voici en quoi consistent les peines que l’âme y endure ; c’est Albo, célèbre théologien israélite du moyen-âge qui paraphrase ainsi la pensée de Maïmonide[2]. « Si pendant la vie l’âme a tout sacrifié aux sens et aux plaisirs corporels ; si, se détournant absolument du bien et reniant sa nature meilleure elle s’est abandonnée à l’impulsion du corps, alors après sa séparation d’avec lui, elle éprouvera les mêmes désirs qu’auparavant pour les objets qui lui étaient demeurés indispensables. Or, comme les organes corporels lui manquent pour satisfaire de tels désirs et que, d’un autre côté, elle aspire par essence à se rapprocher des formes supérieures ; comme elle se sent attirée par les objets spirituels auxquels elle est devenue étrangère, parce que les principes de la science et la pratique de la loi divine lui manquent ; alors elle chancelle en quelque sorte entre les deux directions et ne peut atteindre ni l’un ni l’autre objet. Être ainsi ballottée lui cause plus de douleur et de tourments que toutes les douleurs du monde, que le feu, le froid et la fièvre, que les coups de poignard, le venin des serpents, la morsure des scorpions. Telle est la véritable douleur de l’âme, mais le feu ne peut rien sur elle, puisqu’elle est un être spirituel. »

Où y a-t-il encore place à la matérialisation de la vie future en présence de déclarations de ce genre ? Et ces déclarations, qu’on veuille bien le remarquer, furent solennellement faites bien longtemps avant le triomphe maintenant accompli de la philosophie spiritualiste, et à des époques où la culture des arts et encore un peu celle des lettres se trouvaient étroitement

  1. Ubi supra, surtout pages 129 et 133.
  2. Voir Séfer Ikarim, IVe partie, page 33. Voir aussi le livre de M. Isidore Cahen, pages 139 et 110.