Page:Simon Levy - Moïse, Jésus et Mahomet, Maisonneuve, 1887.djvu/272

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ils le supplièrent de leur donner sa bénédiction. Il leur dit : Plût au Ciel que vous eussiez toujours pour Dieu la même crainte que vous avez des hommes, lesquels, cependant, ne sont que chair et os. Notre maître ! répliquèrent les disciples, serait-ce là vraiment la mesure de notre crainte vis-à-vis de Dieu ? Mais ils ne l’avaient pas compris. Je fais des vœux, continua-t-il, pour qu’il en soit réellement ainsi. Vous savez bien que, quand on transgresse la loi, on dit toujours : Pourvu que personne ne m’ait vu[1] ! »

Peut-on mieux faire ressortir la véritable nature de la crainte de Dieu ? Être toujours, comme le dit le célèbre docteur de Jabné, sous l’empire de cette pensée qu’une action ne saurait se dérober aux yeux de l’Éternel, quelle plus forte barrière que celle-là contre les atteintes des mauvaises passions ! Même les velléités de faire le mal se brisent contre une semblable barrière, car le coupable désir non plus n’échappe pas à la connaissance de Dieu, et c’est ainsi que le Judaïsme, en parlant à ses fidèles d’un Dieu tout à la fois bon et omniscient, juste et miséricordieux, est parvenu non à les faire trembler sous le regard de ce Dieu invisible, mais à les porter à se recueillir en toutes circonstances, à s’observer attentivement, afin de ne pas offenser en quoi que ce soit cette majestueuse divinité qui plane constamment sur nos têtes.

Voyons tout de suite si, par leurs enseignements dogmatiques, le Christianisme et le Mahométisme peuvent arriver à agir de la même façon sur les consciences. Certes, la bonté, la mansuétude et l’ubiquité du Créateur sont magnifiquement proclamées par eux. Mais tout cela est gâté, le bon effet s’en trouve arrêté et comme violemment coupé, par ce qu’ils enseignent de l’éternité

  1. Talmud, traité Berachoth, p. 28.