Page:Simon Levy - Moïse, Jésus et Mahomet, Maisonneuve, 1887.djvu/278

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qui la présente à ses élus comme étant le don le plus brillant dont il puisse les gratifier[1] ? »

Dieu étant donc infiniment au-dessus de ce qu’il y a dans le monde de plus admirable et de plus attachant, pourquoi ne lui vouerions-nous pas un amour sincère, profond, inaltérable ? Pourquoi mesurerions-nous notre amour pour lui, juste aux bienfaits qu’il nous dispense, et l’exposerions-nous aux fluctuations de l’intérêt personnel ? « L’amour basé sur l’intérêt, observent les rabbins, cesse toujours avec la cause qui l’a fait naître, tandis que celui qui est inspiré par la raison ne disparait jamais[2]. On aime véritablement son Créateur, ajoute Maïmonide, quand on a contemplé la magnificence de la création et que l’on s’est persuadé qu’une sagesse suprême a dû présider à l’organisation de ce vaste univers[3] ».

L’amour désintéressé pour Dieu ainsi établi par la théologie rabbinique trouve sa racine, son fondement dans la Bible même. Qui ne connaît cette parole du Deutéronome : « Tu aimeras l’Éternel ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tous tes moyens ? » Mais ce que l’on ne sait peut-être pas aussi bien, c’est la façon judicieuse dont le Talmud a compris et commenté cette parole, et la manière dont un docteur israélite a raconté qu’il l’a mise en pratique. « Tu aimeras l’Éternel ton Dieu de tout ton cœur, c’est-à-dire que ton cœur lui soit dévoué. Ne partage pas ton amour avec un autre être en dehors de lui. Que Dieu soit le but de toutes tes aspirations, l’objet de tous tes désirs. Élève-lui au-dedans de toi un autel sacré sur lequel chaque jour tu puisses lui offrir tes passions en holocauste. C’est là le plus

  1. Job, chap. XVIII, v. 12, 24, 27 et 28.
  2. Pirké Aboth, chap. V.
  3. Maïmonide, Jad Hach saka. Histchoth, Jesode Thorah, chap. II, et Bachya, chap. III.