Page:Simon Levy - Moïse, Jésus et Mahomet, Maisonneuve, 1887.djvu/281

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son essence propre et dans son unité absolue. Peut-être pourtant, si nous le faisions, prouverions-nous du même coup que le Judaïsme est exempt de tout mysticisme. Car, dirions-nous, qu’est-ce qui a donné naissance à cette étrange aberration ? Rien autre chose que le discrédit que l’on a jeté sur la raison, en lui reprochant de ne pouvoir donner une connaissance adéquate de l’Être suprême. Sous ce rapport, on a moins attaqué sa faillibilité que son impuissance. Non content d’avoir été mené par la raison jusqu’à la source des vérités éternelles, on a voulu faire un pas en avant encore ; on a voulu connaître le principe, le sujet même auquel ces vérités se rattachent. Et comme on trouvait la raison incapable de franchir ce suprême espace, on eut recours au sentiment. A l’intelligence, on substitua le cœur. L’on s’imagina pouvoir s’unir à Dieu en s’absorbant dans un amour entier, exclusif pour lui, et en s’abîmant dans des contemplations sans fin sur sa sublime nature, et au milieu desquelles on oubliait le monde et soi-même.

Eh bien la Bible coupe court à cette folle aspiration par la relation d’un seul fait, mais que Moïse raconte avec une certaine complaisance, comme s’il avait pressenti qu’on l’invoquerait un jour contre le mysticisme. C’est la prière adressée par lui à Dieu, à l’effet d’obtenir la faveur de le contempler en face. Non, répondit le Seigneur, pas même toi, tu ne pourras me voir dans non essence : ce n’est que par mes manifestations, par les traces que j’ai laissées derrière moi, que je puis être connu. Sur la terre, tu trouveras les œuvres matérielles que j’ai fondées, tu en étudieras les lois que tu pourras toutes rapporter à ma sagesse ; dans le monde de l’intelligence, tu découvriras le vrai, le bien et le beau ; tu pourras les admirer et m’en présenter comme le type. Mais