Page:Simon Levy - Moïse, Jésus et Mahomet, Maisonneuve, 1887.djvu/282

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quant à moi-même, tu ne me verras pas ; aucun mortel ne peut me voir possédant la vie terrestre[1].

Par quels pores s’infiltrera le mysticisme dans une doctrine où se trouve une déclaration aussi solennelle que Dieu demeure à jamais insaisissable à l’homme ? Insaisissable à la raison, dira-t-on, c’est vrai. Moïse le proclame de la façon la plus positive. Mais ne reste-t-il pas toujours le sentiment, le cœur par lequel on peut parvenir jusqu’à l’essence même de Dieu, en s’unissant à lui par un détachement complet et absolu du monde extérieur ? Nous ne le nions pas ; il s’est rencontré des hommes qui ont cru devoir s’isoler du genre humain et se soustraire à toutes les obligations sociales, pour s’unir plus intimement à Dieu et communiquer plus facilement et plus directement avec lui. Mais ces hommes sont à nos yeux des insensés. Insensés ! qui ignoraient que la connaissance de la vérité d’un côté et la pratique de la vertu de l’autre, sont les seuls et les plus sûrs moyens de nous rapprocher de Dieu. Insensés ! qui étaient allés sacrifier à de chimériques espérances ce qu’ils avaient en eux de plus noble : la liberté et la conscience. Ce n’est pas en anéantissant l’une ou l’autre de ses facultés intellectuelles ou morales, qu’on peut être agréable à Dieu. S’il nous demande un amour sans bornes, cet amour ne doit pas avoir pour effet de nous ravir à la terre sur laquelle nous avons été placés par Dieu même pour y vivre de la vie sociale. Aimer les hommes, les servir, les aider dans l’accomplissement de leur destinée, c’est encore, c’est surtout aimer Dieu. Le Judaïsme a-t-il jamais prêché un autre amour ? Quand Moïse dit au peuple hébreu « Tu aimeras l’Éternel ton Dieu… » et qu’il se hâte d’ajouter : « Ces lois que je te commande aujourd’hui, tu les

  1. Exode, chap. XXXIII.