Page:Simon Levy - Moïse, Jésus et Mahomet, Maisonneuve, 1887.djvu/314

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sa justice parle, sa bonté doit se taire, et de même elle doit s’arrêter toutes les fois que, par ses effets, elle pourrait contrarier les règles de l’éternelle sagesse. « Seigneur fais ta volonté au ciel et donne sur la terre à tes créatures tout ce que tu peux leur accorder[1]. » C’était là la prière ordinaire de Rabbi Éliézer, fils de Horkenos. Ce saint docteur priait ainsi dans la certitude que, si Dieu ne donne pas au juste malheureux ce qu’il demande pour avoir la prospérité sur la terre, c’est que cette prospérité doit lui être refusée dans l’intérêt de l’ordre universel. Mais l’avenir, nous voulons dire l’immortalité, la lui réservera alors plus belle encore. Son âme sera d’autant plus heureuse dans le monde futur, que les malheurs immérités qu’elle aura supportés ici-bas avec une noble résignation, auront servi à racheter et à expier jusqu’à ces petits défauts dont on sait qu’aucun homme n’est exempt.

Voilà pourquoi l’homme ne doit jamais murmurer contre la Providence, lorsque ses prières n’ont pu conjurer l’orage suspendu sur sa tête[2]. Il est des événements que rien ne peut arrêter, et auxquels il faut par conséquent se soumettre et se plier avec résignation. Ce serait une intelligence bien étroite, que celle qui verrait de l’impuissance où il n’y a qu’un effet de la sagesse suprême ! Et que faudrait-il penser d’un croyant qui faiblirait et se découragerait parce que ses supplications ne l’auraient pu soustraire aux misères attachées à l’humaine existence ? Il faudrait le plaindre au même degré que mérite d’être plaint celui qui ne lève jamais le regard vers le ciel, que lorsqu’il a besoin de lui exposer un vœu, de lui demander une satisfaction quelconque. Les deux essaient directement de mettre Dieu au service de leurs caprices, de leurs

  1. Traité Berachoth, p. 29.
  2. Voir Schoulchan Arouch : De la prière, chapitre XCVIII, v. 5.