Page:Simon Levy - Moïse, Jésus et Mahomet, Maisonneuve, 1887.djvu/313

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récompenses descendent du ciel sur la terre. Les punitions nous frappent quand nous troublons cet ordre ; elles sont comme une conséquence forcée de nos transgressions. Dieu n’a jamais voulu et ne veut jamais autre chose que récompenser la vertu et punir le vice. Ce sont tout ensemble sa justice et sa bonté qui lui inspirent une si constante volonté. Or, qu’est-ce que la prière ? Chez l’homme juste, c’est l’obéissance à l’ordre traduite au dehors. Le juste prie en adorant et adore en priant. S’il demande quelque chose à Dieu, ce n’est que dans la mesure de l’équité. En sa qualité de juste, il ne peut avoir de désirs déréglés. Chez le méchant, la prière est un retour vers l’ordre. Si de vicieux qu’il a été, il devient vertueux, pourquoi toutes les bénédictions ne lui seraient-elles pas données ? A dire donc vrai, la prière influe plutôt sur nous que sur Dieu. Ce sont nos sentiments qu’elle modifie et non la volonté divine. C’est parce que nos sentiments sont devenus meilleurs que la volonté de Dieu nous est plus propice, ou plutôt elle nous fut toujours propice, nos transgressions seules à l’ordre établi l’empêchant de nous accorder ce que nous voulions recevoir. C’est nous qui avons donc changé ; elle, elle est restée invariable suivant toujours la loi qui demande une récompense pour la vertu et un châtiment pour le vice.

Cette pensée devient encore plus claire par la parole suivante du Talmud : « Rabbi Hanina dit : Si l’homme voit que sa prière n’est pas exaucée, eh bien ! qu’il recommence de prier et que le désespoir soit loin de son cœur[1]. » En faisant pressentir le cas où la prière pourrait ne pas être exaucée, le Talmud établit fort bien que Dieu, quoiqu’infini dans sa bonté, ne peut dépasser la loi qu’il s’est imposée à lui-même. Là où

  1. Traité Berachoth, p. 33.