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Page:Simon Levy - Moïse, Jésus et Mahomet, Maisonneuve, 1887.djvu/322

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intellectuelles, qu’il soit libéralement pourvu ou tout à fait dénué d’esprit, quel que soit le degré qu’il occupe sur l’échelle sociale, qu’il lui soit donné d’en atteindre le faîte ou qu’il soit condamné à végéter à sa base, rien ne peut l’autoriser à croire son action inutile au maintien de l’ordre universel. Rien n’est de trop dans l’univers ; chaque atome y trouve sa place, fait partie du tout et laisse un vide quand il vient à disparaître. L’ouvrier qui remplit sa tâche a autant de mérite que le patron qui s’acquitte de la sienne, et ce serait blasphémer Dieu que de se juger impuissant à servir ses desseins. « Ne me réponds pas que tu es trop jeune, dit Dieu au prophète Jérémie, va partout où je t’enverrai et publie tout ce que je t’ordonnerai[1]. » Dans aucun cas, l’homme ne peut donc s’imaginer que son avilissement moral ne soit nuisible qu’à lui seul. Ne pas prêter son concours actif à la société, c’est déjà travailler à sa ruine. Une machine est quelquefois détériorée par l’absence d’un petit ressort. La raideur d’un membre, le plus insignifiant en apparence, peut arrêter tout le mouvement du corps. Ainsi, chacun de nous forme un anneau de la chaîne immense et mystérieuse qui lie les hommes entre eux. Que, par conséquent, chacun de nous s’efforce aussi de tenir ferme les deux bouts de la chaîne dont il est l’anneau intermédiaire. C’est à cet effet qu’il a reçu les facultés supérieures dont il peut à juste titre s’enorgueillir. Qu’il étudie, qu’il examine les droits que possède chez lui la nature intellectuelle sur la nature animale, et il ne s’avisera plus, sous aucun prétexte, d’intervertir leur rôle et de donner la suprématie à celle qui en est indigne. Et du même coup qu’il saura ce qu’il se doit à lui-même, il comprendra ce qu’il doit à son semblable. Un respect en amène toujours un

  1. Jérémie, chap. I, v. 7.