Page:Simon Levy - Moïse, Jésus et Mahomet, Maisonneuve, 1887.djvu/333

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toute loi divine et humaine, le suicidé n’en fait-il pas autant ? Est-ce que la crainte de survivre à un déshonneur mérité et la honte de devenir l’objet du mépris public, et auxquelles on cherche à échapper par le suicide, ne sont pas des faiblesses aussi condamnables que celles qui mettent aux mains du meurtrier une arme homicide pour satisfaire à sa haine et à sa vengeance ? Car ce n’est pas de courage que l’on fait preuve dans l’assassinat, mais de faiblesse. Le courage consisterait, au contraire, à vaincre la tentation qui y pousse. Il en est de même absolument dans le suicide. Un moment de surexcitation passionnée ou d’aveuglement moral, voilà ce contre quoi il s’agit de se prémunir dans les deux cas. L’homme violent qui tue avec préméditation pour satisfaire sa colère ou sa cupidité et le misérable qui s’ôte la vie parce qu’elle lui est à charge, agissent sous les mèmes dispositions de cœur et d’esprit. Chez l’un comme chez l’autre, l’idée du devoir et le sentiment de l’obligation morale ne se trouvent pas être assez puissants pour les arrêter, et, par conséquent, ils sont également coupables.

C’est bien là ce qui ressort de la phrase déjà citée du Pentateuque, où l’homicide et le suicide sont à dessein mis ensemble. « Je ne redemanderai pas seulement le sang de vos propres personnes, mais encore celui que vous aurez versé en vous armant traîtreusement contre votre frère » ; et Dieu ajoute : « Que le sang de celui qui a versé le sang de son prochain soit versé pareillement », c’est-à-dire que la société s’empare de l’assassin et le frappe à mort. Il a attenté à une vie sur laquelle il n’avait aucun droit. La justice humaine peut retrancher le criminel qui, pour donner satisfaction à ses mauvais penchants ne craint pas de s’attaquer à une existence appelée à se développer à ses côtés et dans une complète indépendance de lui.