Page:Simon Levy - Moïse, Jésus et Mahomet, Maisonneuve, 1887.djvu/332

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afin de se voir bientôt débarrassées d’un maudit lien, les rivant à un monde où elles se trouvaient déplacées ? On doit être suffisamment persuadé que le Judaïsme a compris, mieux que n’a su le faire la religion qui a prétendu le surpasser, que l’union de l’âme et du corps existant par la volonté du Créateur, il serait impie et criminel de chercher à la rompre, à la détruire violemment. On peut donc lui reconnaître la gloire d’avoir toujours considéré l’homme comme un être dont les deux parties composantes la matière et l’esprit, se supposent réciproquement et arrivent l’une par l’autre à leurs fins respectives.

Au-dessus de la défense de laisser notre santé se délabrer, et comme lui servant de principe, se place la condamnation formelle du suicide. Le suicide en lui-même, nous voulons dire en tant qu’il signifie l’acte criminel par lequel l’homme attente à ses propres jours, est expressément défendu dans la doctrine israélite. « Je redemanderai le sang de vos personnes, que vous aurez versé de vos propres mains[1]. » La menace est catégorique, entière, et ne souffre pas d’exception. Quel que soit le motif pour lequel on a déserté le poste de l’existence ; qu’un faux point d’honneur ou le désespoir nous ait conduits à cette défection, le crime du suicide ne nous sera point pardonné. Il n’est jamais permis de se laisser dominer par autre chose que par le devoir, et le devoir ce n’est pas nous qui nous le donnons ; Dieu nous l’impose. Quelle lâcheté que de s’y soustraire, quand on a conscience de son titre, de sa valeur, de sa dignité d’homme ! Nous allons même jusqu’à demander la différence entre celui qui se tue lui-même, et l’assassin qui tue son prochain. Des deux côtés n’y a-t-il pas retranchement violent d’une créature placée en ce monde par Dieu ? Si l’assassin brise avec

  1. Genèse, chap. IX, v. 5.