Page:Simon Levy - Moïse, Jésus et Mahomet, Maisonneuve, 1887.djvu/336

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foudroie le malheureux sur lequel il tombe. Ce mot est celui-ci : « Le méchant pendant sa vie, peut déjà être considéré comme mort[1]. » Mort, en effet, du moins mort pour Dieu et pour la société est celui qui ne voit dans la vie qu’une occasion de se repaître de jouissances matérielles, qui regarde la vie non comme un moyen mais comme un but, qui fait tout rapporter à la vie comme si elle était la seule chose qui dût l’occuper. A qui profiterait une existence ainsi constamment occupée à poursuivre le plaisir terrestre ? Ce n’est certainement pas à Dieu ni à la société ; à elle-même ? pas davantage, puisqu’elle ne pourrait manquer de s’user à ce mouvement fébrile qui la pousse constamment à des nouveaux désirs quand les premiers sont satisfaits.

On peut dire que le Judaïsme a justement excellé en ceci, d’avoir aperçu le point juste où l’homme doit sans cesse se tenir pour ne tomber ni dans un excès de mépris pour la vie, ni dans un excès d’amour et d’attachement pour elle. Sans doute, il est difficile de lutter contre l’instinct de conservation dont nous sommes tous pourvus. Il est toutefois des cas où il faut essayer de le faire, et aller même jusqu’à étouffer cet instinct en sacrifiant noblement sa vie. Ces cas, la doctrine juive les a soigneusement déterminés. Ce sont : « L’idolâtrie, l’adultère et l’homicide[2] », et, si elle ne compte le dévouement à la patrie et le sacrifice que l’on fait quelquefois de ses propres jours pour sauver ceux du prochain, c’est qu’il existe réellement une différence entre ces derniers cas et les premiers. Les premiers la raison les légitime ; ce n’est pas assez dire, elle les élève au-dessus de toute contestation, et n’hésite pas à déclarer coupable celui qui y succombe. Se refuser, au prix de la vie, d’être idolâtre ou adultère, c’est là un strict devoir.

A l’accomplissement de ce devoir ne se mêle aucune idée

  1. Talmud, traité Berachoth, p. 19.
  2. Talmud, traité Pesachim, p. 25.