Page:Simon Levy - Moïse, Jésus et Mahomet, Maisonneuve, 1887.djvu/337

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d’admiration ; il n’y a rien à admirer dans ce qui est strictement obligatoire. Pour les derniers, au contraire, il n’y a qu’admiration par l’enthousiasme qu’ils excitent autour d’eux, et par les éloges dont ils ne manquent jamais d’être l’occasion, on sent bien qu’il y a là plus que le devoir qui se trouve accompli. Qui voudrait, au nom de la simple raison, persuader à quelqu’un de devenir un autre Codrus ? Donner ses jours pour le bien de sa patrie ou pour la vie de son prochain, cela ne se commande pas ; c’est affaire de sentiment et non de raisonnement ; le cœur tient ici plus de place que l’esprit. En d’autres termes on peut, après réflexion, se convaincre qu’il vaut mieux quitter la vie que de la conserver au prix honteux de renier Dieu, de forfaire à la pudeur, ou de se souiller les mains d’un sang innocent. S’agenouiller devant une idole, descendre au rang de la brute, se faire l’instrument d’un meurtre, on doit à cela indubitablement préférer disparaître de la scène du monde. Qu’est-ce encore que l’homme s’il a abdiqué son titre d’homme ? Mais le même devoir n’est pas aussi absolu en face d’un danger de la patrie, de la société ou du prochain. Malgré cela, il est beau de se dévouer alors, et le Judaïsme n’est jamais resté en arrière avec les applaudissements que méritent la bravoure sur le champ de bataille, et cette autre bravoure avec laquelle on s’expose parfois à la mort pour sauver son prochain du feu ou de l’eau. Marchanderait-il son éloge à de semblables abnégations, lui qui a une histoire nationale toute palpitante de faits d’héroïsme, dont les uns sont plus éclatants que les autres, et qui est allé jusqu’à réserver une place spéciale au ciel « à deux jeunes frères s’étant offerts autrefois en holocauste sur l’autel de la Patrie, pour sauver de la destruction la ville de Lydda[1] ».

  1. Lors de sa révolte contre l’empereur Constance (1352 après l’ère vulgaire). Le Talmud cite souvent le dévouement de ces deux frères sous la rubrique. Moasch Lod. Voir Peseckta, chap. VIII.