Page:Simon Levy - Moïse, Jésus et Mahomet, Maisonneuve, 1887.djvu/340

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C’est le travail déclaré stérile quelquefois par la difficulté qu’aura une terre maudite de laisser germer en abondance les grains déposés dans son sein, voilà tout ce que nous lisons dans ce paragraphe. L’homme aura beaucoup de peine à rendre productif un sol que réprobation divine a frappé, et c’est ce que veut dire l’expression : « Tu mangeras ton pain à la sueur de ton front. » L’homme travaillera comme il a travaillé auparavant, seulement avec moins de profit désormais. Il dépensera plus d’efforts. Mais avait-il été créé dans le principe comme ne devant jamais en avoir à dépenser ? Là est la question. Et la réponse se trouve à côté. La Bible n’a-t-elle pas eu soin de raconter un peu avant « comment Dieu avait pris l’homme et l’avait placé dans le jardin d’Eden pour qu’il eût à le travailler et à le garder[1] ? » Ces paroles n’ont-elles pas manifestement le sens que leur prête la doctrine israélite, à savoir « que dans son état d’innocence, Adam travaillait parfaitement pour se nourrir[2] ? » Et de fait, il eût été singulier que l’être actif par excellence, que Dieu qui est tout action, voulant réaliser une créature appelée à le représenter en quelque sorte sur la terre, l’eût affranchie précisément de sa première, de sa suprême loi à lui, de la loi du travail. Mais conçoit-on seulement l’homme sans l’activité ? A coup sûr la faculté intellectuelle et les autres facultés de l’âme, la volonté et la sensibilité n’existent qu’à la condition d’être actives. Que serait une âme qui demeurerait engourdie ? D’un autre côté, le corps lui-même, quoique n’étant pas doué d’activité dans son essence, emprunte cependant à l’activité toute la majesté et toute la distinction relatives dont il est revêtu par nous. En général, sur l’échelle de la création, les êtres immobiles et inactifs, ceux qui par nature ne donnent

  1. Genèse, chap. II, v. 15.
  2. Aboth de Rabbi Nathan, chap. XI.