Page:Simon Levy - Moïse, Jésus et Mahomet, Maisonneuve, 1887.djvu/351

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par le travail, Ève par l’accomplissement des devoirs d’épouse et de mère ; nous n’avons jamais trouvé que cela dans le récit simplement compris de la Genèse et nous plaignons vraiment ceux qui se plaisent à multiplier gratuitement les malédictions divines, qui ne craignent pas de prêter à Dieu leurs propres faiblesses et lui supposent des colères et des vengeances qu’il n’a jamais eues.

Mais le Judaïsme n’a pas que le travail à recommander comme moyen de conservation de la dignité personnelle. Et d’abord le travail lui-même peut devenir dégradant quand il s’accomplit dans de certaines conditions. La tristesse et le chagrin, par exemple, surtout le désespoir doivent en être rigoureusement écartés.

Le Judaïsme a là-dessus des vues spéciales et vraiment frappées au coin de la sagesse. Il veut que la sérénité de l’âme préside à toutes nos entreprises. Un esprit toujours. calme, un cœur toujours satisfait, c’est, dit-il, l’unique source de la richesse et du bonheur[1]. C’est encore moins comme péché religieux qu’il réprouve la démoralisation dans la pauvreté, que comme un attentat porté à notre dignité. Ce ne peut être d’un vêtement plus ou moins beau, ni d’une nourriture plus ou moins recherchée que dépend le bonheur. Celui qui arrive à se lamenter sur des privations de ce genre, a déjà perdu le vrai sentiment de sa dignité personnelle. Les aspirations d’une âme bien douée n’ont rien de commun avec les appétits du corps. Entretenir celui-ci, mais seulement l’entretenir et non s’appliquer à le saturer de plaisir, tel doit être sans cesse le but de notre travail. Il faut que l’existence se soutienne, mais pas davantage ; du moins ne doit-on pas ambitionner plus, quand on

  1. Pirké Aboth, chap. IV, v. 1.