Page:Simon Levy - Moïse, Jésus et Mahomet, Maisonneuve, 1887.djvu/360

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s’estimer à ses propres yeux ; la science même, la véritable science, perd par là son prestige. Le savant qui ne sait plus se respecter meurt avant son temps. Sacrifier sa dignité, c’est le pire des maux. Le plus grand des biens au contraire ainsi que le plus parfait des contentements, se trouvent dans la pensée que l’on doit uniquement à soi-même ce que l’on possède, même le pain qui sert à l’entretien de la vie[1] ».

Si maintenant, par une vue d’ensemble, nous cherchons à saisir les différents devoirs que, selon le Judaïsme, l’homme a à remplir envers lui-même, et que nous demandons ce que Christianisme et le Mahométisme ont pu améliorer sous ce rapport, nous pouvons dire que, loin de trouver à ces deux dernières religions une supériorité quelconque sur la première, ce n’est même pas d’égalité qu’il faut parler. Car, pendant que le Christianisme enseigne à flageller le corps, à le tuer d’une mort lente si on peut, et que le Mahométisme va jusqu’à l’idolâtrer en le saturant des plus grossiers plaisirs sensuels, le Judaïsme, lui, a su tenir le milieu entre les deux extrêmes. Ni de mépris pour cette enveloppe mortelle de l’âme, ni non plus d’adulation pour elle, voilà le principe juif. Que devient donc encore ici cette prétention si magistralement affirmée que l’on est venu parfaire l’œuvre de la Bible ? Nous défions d’ailleurs quelque système de morale que ce soit, religieuse ou philosophique, de dire mieux ce que l’homme se doit à lui-même, que ne l’a fait la doctrine israélite. Plût au ciel que l’on se fût toujours strictement tenu à ce qu’elle a enseigné sous ce rapport ! On n’aurait pas, après le long espace de dix-huit siècles, à refaire l’éducation de l’humanité, pour apprendre à chacun de ses membres ce qu’il se doit à lui-même. N’est-il pas vrai que

  1. Voir Aboth de Rabbi Nathan, chap. XXIX et XXXIX. Voir encore Talmud, traité Schabbath, page 118, Pesachim, page 112 et 113 et Baba Bathra, page 110.