Page:Simon Levy - Moïse, Jésus et Mahomet, Maisonneuve, 1887.djvu/368

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majestueux édifice de la morale. Quand la loi du devoir est aperçue clairement par la raison, vivement sentie par la conscience, et que la liberté n’est pas contrainte dans son choix pour la pratique de cette loi, tout cependant n’est pas dit encore. Il faut quelque chose de plus que l’intelligence, la conscience et le libre arbitre pour devenir un être moral ; il faut le cœur, il faut l’amour, un amour ardent, un amour fraternel pour son semblable. C’est pour n’avoir pas compris cela, que l’antiquité, avant Moïse, n’a pas su fonder la vraie, la large morale, celle qui quitte les bornes étroites de l’égoïsme, qui va au delà du simple respect du droit pour multiplier, par les chaudes inspirations de la charité, le devoir envers le prochain. Les législations anciennes possédaient bien des lois répressives ; toutes, elles avaient cherché à briser, à enchainer la violence pour faire régner la justice sur la terre. Mais, nous osons le demander, quelle fut la situation des sociétés régies par ces législateurs à l’arrivée de Moïse et même après lui, aussi longtemps que la charité n’était pas venue se joindre à la justice pour devenir la double base de la morale sociale ? Il est certain que si les hommes s’attachent uniquement à ne pas violer le droit sans songer à se venir mutuellement en aide, toute source de prospérité est fermée aux sociétés humaines. C’est alors l’égoïsme érigé en principe. On connaît aujourd’hui par ses fruits la valeur d’une morale d’abstention. La misère s’attache ordinairement à ses pas. Figurez-vous un État dont tous les membres soient indifférents les uns pour les autres, ne cherchant pas, il est vrai à se nuire, mais ne faisant non plus aucun effort pour se soutenir réciproquement, pour s’entr’aider, et, dans cet État, un gouvernement qui borne son action à maintenir l’autorité des lois, à se faire craindre, redouter, mais n’entreprenant jamais rien pour le soulagement ni pour l’instruction