Page:Simon Levy - Moïse, Jésus et Mahomet, Maisonneuve, 1887.djvu/369

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de ses sujets, qu’arrivera-t-il ? Il arrivera que le progrès étant presque nul chez les citoyens, la moralité publique se tiendra toujours à un médiocre niveau. Chacun ayant assez à faire pour veiller par lui-même aux nécessités de la vie, puisque aucun secours, aucun appui ne lui vient du dehors, il ne pourra guère songer à développer ses facultés intellectuelles et morales. Et qui ne sait ce que le manque de culture de ces facultés engendre de maux ? Le plus général de tous sera de refuser à l’ignorant une claire notion du devoir. Pour connaître son devoir rien qu’au point de vue du droit, il faut déjà une certaine dose d’instruction. Surtout la liberté, c’est-à-dire l’absence de toute passion est nécessaire. Que sera-ce donc quand il s’agira de le pratiquer ? L’ignorance n’a-t-elle pas toujours été la mère de tous les désordres sociaux ? Que les peuples se trouvent une bonne fois en situation de recevoir de la part des gouvernements qui les diriger les bienfaits de l’instruction, ou que, soulagés dans leurs misères par un nombre suffisant d’institutions charitables, ils puissent, de temps en temps, se dérober à leurs soucis matériels pour réfléchir sérieusement à la dignité d’êtres intelligents qu’ils portent avec eux ainsi qu’aux diverses obligations qui en découlent, et le gouffre des révolutions se fermera. L’amour fait jaillir l’amour. Quand riches et pauvres se soutiennent ; quand gouvernements et sujets s’entr’aident, et que les différentes classes d’une même société mettent en commun ce fonds d’affection que Dieu a déposé dans leur cœur, pour que l’homme soit pour l’homme comme une seconde providence ne désirant rien tant que de le voir heureux et d’y contribuer, à l’occasion, de toutes ses puissances et de tous ses moyens, c’est alors l’ère de la paix générale que l’on voit se lever sur le genre humain. L’inégalité des conditions, sans disparaître, verra s’effacer de nous ces rudes aspérités qui blessent toujours si