Page:Simon Levy - Moïse, Jésus et Mahomet, Maisonneuve, 1887.djvu/370

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vivement le déshérité de la fortune. Le mécontentement du malheureux se calmera à la chaleur des généreux sentiments qui, de toutes parts, rayonneront sur lui. Loin d’attribuer à la société l’origine de ses maux, il la bénira des efforts qu’elle fait pour porter un adoucissement à des souffrances dont elle n’est point la cause, et, par sa reconnaissance, il s’efforcera de payer au centuple le témoignage d’attachement qu’elle lui prodigue.

A quelle hauteur l’idée du devoir ne s’élèvera-t-elle pas, en présence et sous l’influence de semblables dispositions d’esprit et de cœur universellement répandues ? Où s’arrêtera cette effusion d’amour une fois en voie de se répandre ainsi au dehors ? L’égoïsme pourrait-il désormais élever une digne assez puissante pour le comprimer ? Ce ne sera plus alors de simple respect du droit qu’il sera question. On vivra ensemble en frères ; on se témoignera les égards et les attentions que des frères se doivent entre eux ; chacun se fera tout à tous, et les différents États ne formeront plus que des familles étroitement unies entre elles.

Voilà jusqu’où conduit l’amour quand on le prend pour une des bases de la morale. Et c’est précisément pour l’avoir négligé en cette qualité, qu’aucune législation de l’antiquité, sans même en excepter celle de la sage Grèce et celle de Rome, la savante organisatrice des peuples, n’a su se maintenir debout à travers les vicissitudes des siècles. Et pourtant, ni à Rome, ni à Athènes, les mots de charité et de philanthropie n’étaient inconnus. Cicéron avait écrit en toutes lettres le premier de ces termes : Caritas humani generis ! et Aristote avait placé au premier rang des vertus sociales ce qu’il appelait la « philanthropie ». Les Stoïciens si populaires tant en Grèce qu’au pays du Latium, avaient voulu toutes les nations unies « dans la