Page:Simon Levy - Moïse, Jésus et Mahomet, Maisonneuve, 1887.djvu/378

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comme tu t’aimes toi-même, car vous avez été étrangers au pays d’Égypte, je suis l’Éternel, votre Dieu[1] ». Semblable formule, ton de recommandation tout aussi positif et aussi absolu, le nom de Dieu également invoqué sur la fin, en témoignage de la sainteté de ce devoir ; quelque chose de plus même, un appel fait à la mémoire, pour que, par le souvenir de ses propres souffrances, on prenne plus à cœur les souffrances d’autrui.

Oh ! certes, c’est bien là la véritable charité, celle qui commence par la pensée, que tout en ce monde procède de Dieu, qu’il y a solidarité entre les enfants issus d’un même père et qui se termine dans ce retour que l’on fait sur soi-même, pour se mettre à la place de celui dont la position demande qu’on s’intéresse à lui ! Quelles sont les barrières qui ne s’abaisseraient pas devant un amour aussi bien caractérisé ? Est-ce qu’un fleuve qui coule entre mon prochain et moi, une montagne qui nous sépare, un intérêt qui nous divise en apparence, un mécontentement qu’il a pu m’occasionner, une offense même qu’il m’aurait faite, seraient des obstacles assez puissants pour m’empêcher de m’employer en sa faveur si sa situation le réclamait ? En considérant qu’il est, comme moi, fils du ciel et de la terre, par conséquent sujet aux mêmes faiblesses que moi, en proie aux mêmes agitations lorsque certaines passions se trouvent surexcitées, cette considération ne me dispose-t-elle pas immédiatement en sa faveur, ne m’inspire-t-elle pas la pensée de tout lui pardonner ? D’autre part, le sachant travaillé, comme je le suis moi-même, du désir d’être heureux et reconnaissant, qu’il a les mêmes titres que moi à faire valoir pour arriver au bonheur, pourquoi lui refuserais-je des satisfactions qu’il est en mon pouvoir de lui accorder ?

  1. Lévitique, chap. XIX, v. 34.