Page:Simon Levy - Moïse, Jésus et Mahomet, Maisonneuve, 1887.djvu/377

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prochain comme toi-même, je suis l’Éternel[1]. » Y a-t-il à se tromper sur la portée de ces paroles ? Ce n’est pas assez d’aimer son prochain d’un amour froid, réservé, compassé, indifférent, qui est plutôt l’absence de la haine que le premier degré de l’amitié cet amour-là ne trouve son expression que dans le texte qui défend « de haïr intérieurement son semblable[2] ». Ici il s’agit d’un amour actif, ouvert, fécond en bonnes intentions, large, toujours prêt à s’épancher, toujours empressé à servir, ne se renfermant pas dans le seul respect du droit, mais se complaisant dans l’effusion, voulant se traduire au dehors par des actes, et par des actes profitables à l’être aimé ; d’un amour enfin qui se modèle sur celui que l’on a pour soi-même, qui souhaite à autrui le même bien que l’on se souhaite personnellement, et qui ne permet pas de séparer la félicité de son semblable de la sienne propre[3]. « Comme tu t’aimes toi-même », tu aimeras celui qui se trouve à côté de toi, et non pas seulement ton concitoyen, ton compatriote, ton coreligionnaire, mais encore l’étranger qui ne partage pas avec toi les espérances d’une même foi ou les bienfaits d’une commune patrie. Il n’est pas moins ton frère, parce qu’il se trouve séparé de toi par une délimitation de frontière, ou parce que sa conscience religieuse a adopté des opinions autres que les tiennes. Et cela est enseigné explicitement, toujours au même paragraphe, probablement pour l’édification de ceux d’entre les détracteurs de la doctrine juive qui aiment tant de l’accuser d’exclusivisme, et qui lui reprochent de n’avoir commandé la charité qu’envers les seuls israélites. Pas plus que tout à l’heure, sur la nature de l’amour, il n’est permis de se tromper ici sur l’extension à lui donner. Qu’on prenne la peine de lire : « Tu l’aimeras (l’étranger)

  1. Lévitique, chap. XIX, v. 18.
  2. Lévitique, chap. XIX, v. 17.
  3. Voir Aboth, de Rabbi Nathan, chap. XVI, à la fin.