Page:Simon Levy - Moïse, Jésus et Mahomet, Maisonneuve, 1887.djvu/430

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n’est-ce pas la prescription même de la morale juive ? Mille sentences identiques avaient cours chez le peuple hébreu. En voici une entre autres : « Si tu as secouru un pauvre le matin et que le soir il s’en présente un second, donne lui encore. Ainsi il est écrit : Au lever du soleil aie soin d’ensemencer ton champ, et lorsqu’il se couche appliques-y encore ton bras[1]. »

Mais attendez ; Jésus ajoute : Vous avez entendu qu’il a été dit : « Tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi[2]. » Quoi ! la doctrine juive ferait une distinction entre ami et ennemi, entre compatriote et étranger, entre coreligionnaire et dissident ! Elle ne rendrait obligatoire tous ces devoirs que nous venons d’énumérer qu’envers des frères, des frères selon le cœur et la communauté de sentiments, des frères selon la foi et la communauté de croyance, des frères selon la patrie et la communauté d’intérêts ! Et elle tomberait véritablement sous ce reproche sanglant formulé par Jésus : « Si vous n’aimez que ceux qui vous aiment, quelle récompense en aurez-vous ? Les païens n’en font-ils pas autant ? Et si vous ne faites accueil qu’à vos frères, que faites-vous d’extraordinaire ? Les païens n’en font-ils pas autant[3] ? »

Eh bien ! on va voir quelle odieuse calomnie on a élevée là contre la morale juive. On avait peut-être besoin d’un parallélisme, et on n’a pas craint de lui donner pour corps un insigne mensonge.

Non ! le Judaïsine ne fait point de distinction entre coreligionnaire et dissident. Nous ne raisonnons plus, nous ne voulons plus discuter ; nous citons pour confondre l’accusation avec plus d’autorité. Qu’on lise donc : « Ne repousse pas le

  1. Aboth de Rabbi Nathan, chap. III.
  2. Math., chap. V, v. 43, et Talmud, traité Soukah, p. 29.
  3. Mathieu, chap. V, v. 46 et 47.